LECTURES VAGABONDES

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Abha Dawesar : L’Inde en héritage/Un « héritage » dont on se serait bien passé.

              S’il est un pays qui suscite tous les fantasmes, c’est bien l’Inde, qu’on imagine si colorée, si parfumée, si exotique et dépaysante tant dans ses infrastructures que dans ses superstructures. On rêve – et on attend encore – du roman qui nous transportera tout de go dans ce pays qui laisse toute latitude à l’imaginaire. Encore une fois, c’est la déception avec L’Inde en héritage d’Abha Dawesar paru en 2009 aux éditions Héloïse d’Ormesson.     

 

               « L’Enfant » de santé fragile vit dans une pièce attenante à un dispensaire où œuvrent ses parents en tant que médecins. La famille dont il fait partie est quelque peu malsaine : « Grand-Père » vit chez l’oncle « Six-doigts » et là, on a bien envie de se débarrasser du vieux pour hériter. La fille de Paget, un autre oncle, cherche désespérément un mari, mais l’affaire s’avère être plus ardue qu’il n’y parait à cause des frais du mariage. Elle finit par trouver « Tigre » et le vrai père de notre future épousée, un riche mafieux qui craint d’aller en enfer, décide de payer la cérémonie. Du côté du « Père » et de la « Mère » de « L’Enfant », on cherche à transférer le dispensaire dans un lieu plus agréable, mais toutes les démarches administratives sont un vrai casse-tête. Et puis, la ville de New-Delhi est secouée par des affaires très sales : un hôpital vole des organes aux patients qui ont le malheur d’y séjourner ; un tueur en série tue des enfants à des fins de cannibalisme ; enfin, « Miss Shampoing », une starlette qui fait de la publicité, est assassinée : grand malheur pour « L’Enfant » qui adule cette fille de papier glacé. Enfin, tout se résout plus ou moins : la fille de Paget épouse « Tigre », tandis que « Grand-Père » meurt d’une mauvaise chute pas forcément accidentelle, lors de la cérémonie.

 

                Vous l’aurez sans doute deviné à la seule lecture de cette présentation, les personnages de L’Inde en héritage sont plus ou moins anonymes : en effet, l’histoire est sensée être perçue à travers le regard de « L’Enfant » qui nomme son entourage selon des sobriquets qui les désignent soit par un trait caractéristique – physique ou psychologique – soit par le lien de parenté qu’il entretient avec eux. La conséquence de ce choix, c’est qu’on a beaucoup de mal à entrer dans les personnages, à s’y intéresser ; ils sont désincarnés et sans saveur.

               Par ailleurs, il faut bien constater l’échec du procédé qui consiste à faire de « L’Enfant » celui qui regarde le monde s’agiter autour de lui avec une certaine naïveté. En effet, l’intrigue, à base, souvent, d’histoires d’argent ou de tracas administratifs, ne se prête pas vraiment à ce regard : comment un enfant de 8 ans pourrait-il comprendre et rapporter des choses aussi compliquées ? Ainsi, on n’adhère pas vraiment à ce regard, on n’y croit pas.

Mais quelle image Abha Dawesar donne-t-elle de l’Inde ? Une image déplorable, certes. Tout d’abord, il y a la famille. Entre ceux qui sont vénaux, ceux qui se droguent, ceux qui sont corrompus, il n’y a guère que la famille de « L’Enfant » qui parait honnête, et ne se laisse pas aller à la facilité, même si notre couple de médecins tire souvent le diable par la queue.

               Ensuite, c’est une société corrompue et procédurière qui est souvent mise en cause dans le roman. La famille de « L’Enfant » est en procès avec la voisine du dessus, Madame Bouse ; elle cherche à déménager et partout, quoiqu’on fasse, se met en branle une administration très lourde qui ne boude pas les pots-de-vin. Sans compter le fait qu’on a toujours affaire aux astrologues pour toute décision.

                 Enfin, c’est une société violente et amorale qui est aussi ici présentée : vols d’organes, meurtres, assassinats sont le quotidien de New-Delhi.

                 Mais pour éclairer un peu toute cette noirceur, Abha Dawesar a su insérer des chapitres teintés d’humour. « L’Enfant » écoute les bruits des corps et les problèmes hygiéniques ou autres des patients qui passent dans le dispensaire de ses parents. Par ailleurs, il est lui-même très ennuyé par la grosse commission lorsque la chasse d’eau ne fonctionne pas. Certes ! Mais cela ne suffit pas pour passionner le lecteur qui tire la langue, assoiffé par tant d’aridité.

                Alors, l’Inde dont vont hériter les actuels enfants est plutôt noire et désespérante, en tout cas, telle qu’elle est présentée par Abha Dawesar. Mais quant à vous, cher lecteur de langue française qui n’avez peut-être pas grand-chose à voir avec l’Inde, si ce roman se trouve dans votre héritage, vous pouvez le refuser ! Vous éviterez un voyage cauchemardesque.



11/06/2016
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