LECTURES VAGABONDES

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Augusten Burroughs : déboire / Une soupe imbuvable !

         

          Comment est-il possible qu’un récit autobiographique (et donc éminemment personnel), donne lieu à une impression de déjà lu mille fois ? C’est ce paradoxe qui malheureusement est la principale caractéristique de ce roman d’Augusten Burroughs : Déboire, paru en 2005 aux éditions du passage du Marais.

 

          Augusten Burroughs est un homosexuel alcoolique. Il travaille dans la pub à New York. Un jour, on lui ordonne d’entreprendre une cure de désintoxication. Il se rend donc dans un centre exclusivement gay, à Duluth, et entreprend un sevrage. Là, il rencontre Hayden avec qui il se lie d’amitié. A sa sortie, il reprend son travail, sa vie, l’alcool en moins. Tous les jours, il se rend aux alcooliques anonymes et rencontre Foster dont il tombe amoureux. Il tient bon, pendant des mois et des mois. Hayden vient vivre temporairement chez lui, Foster devient son amant… Cependant, la mort d’un de ses ex-petits amis, Pighead, l’accable terriblement. Par ailleurs, un peu plus tard, Foster replonge dans le crack et part vivre en Floride. Quant à Hayden, il retrouve son petit ami londonien et quitte Augusten. Seul et désespéré, notre héros replonge dans l’alcool au point de perdre tous ses repères. Enfin, pour la seconde fois, il décide d’entamer un sevrage.

 

          Comme je l’ai dit plus haut, ce roman donne vraiment une impression de déjà lu.

          D’abord parce qu’on y retrouve tous les poncifs de la très profonde « culture » gay : du sexe consumériste, une vision machiste et très beauf des éventuels amants qui sont détaillés sous toutes les coutures avant d’être embarqués… Augusten Burrough lâche même cette blague bien lourde : s’il était hétéro, il adorerait les concours de tee-shirt mouillés ! On retrouve également une approche de la vie totalement communautariste puisque les différents centres pour alcooliques que fréquente Augusten sont exclusivement gays. Alors voilà : Augusten Burroughs est un de ces gays qu’on rencontre dans toutes les pages d’Armistead Maupin ou de Stephan McCauley. Point de particularité inhérente à chaque individu, de sensibilité personnelle, d’émotion particulière… Dommage pour un récit autobiographique. Augusten est donc une caricature, le stéréotype de l’homosexuel friqué qui vit dans le gaytho.

          Vient ensuite le long voyage d’Augusten Burroughs au bout de l’alcool. Là encore, rien de bien intéressant. Notre loustic vit dans les quartiers branchés de New York, là où il est de bon ton d’avoir des problèmes et de se livrer à des excès, afin de se démarquer du monsieur tout le monde décidément trop plouc. Voilà pourquoi Augusten boit. Voilà pourquoi il entame sa cure de désintoxication. En guise de témoignage, Augusten nous livre les faits et gestes quotidiens d’Augusten, ce qui s’avère être rapidement extrêmement répétitif et ennuyeux. Tous les jours, la petite réunion aux AA, tous les jours, le taf, et puis les parties de jambes en l’air avec l’un ou l’autre, les « ça va pas ce soir, j’ai le moral à zéro » et autres prises de tête vraiment soulantes. Les 300 pages de Déboire sont exclusivement centrées sur le nombril de l’auteur, son petit train-train sans intérêt, ce qui finit par devenir insupportable.

          Pour finir, parlons un peu du style de l’écrivain. Pas mauvais, sans doute, mais là encore, totalement stéréotypé. Tout branché New Yorkais qui se respecte se doit de porter sur lui-même un regard désabusé, quelque peu détaché. Le style Woody Allen, quoi ! On retrouve ici ce ton de celui qui prend de la distance avec lui-même, un ton à la Jay McInnerney. D’ailleurs, tout comme ce dernier, Augusten Burroughs use et abuse de cette tendance, très galvaudée depuis Brett Easton Ellis, à mentionner la marque de la moindre chose qu’il consomme. Même son papier toilette vient du drugstore Duchmoll ! Utile et passionnant de le mentionner !  

 

           « Le Boiler Room est bondé lorsque j’y débarque peu après vingt-trois heures. Bondés de gays d’Eat Village en jean G-Star et bonnet tricoté. Moi, je porte un pantalon en toile élimé acheté chez Gap il y a des années, un tee-shirt de promo Avid, et des baskets blanches tirant sur le gris. Je suis aux antipodes du cool, j’ai l’air d’un mec qui n’a rien à faire là. Alors, bien évidemment, un type m’aborde aussi sec, une Rolling Rock à la main. Nous buvons. Il me caresse le cul, je caresse le sien. On recommande à boire. »

 

         Je terminerai cependant, en soulignant la qualité des dernières pages du roman. Lorsqu’Augusten replonge dans l’alcool, d’un seul coup, le lecteur a l’impression qu’il écrit sa dérive avec les tripes. Ces pages sont violentes, crues, et tranchent singulièrement avec le reste du livre. Dommage que le reste n’ait pas été écrit avec autant de sincérité. Enfin ! Il faut croire que le lectorat gay branché New Yorkais n’aime que les stéréotypes auxquels il est habitué dans le gaytho, stéréotypes qu’il croit provocateurs, mais qui sont surtout bêtes et prétentieux. 

           Ainsi Déboire offre à mon sens, autant d’intérêt qu’une émission de télé-réalité style tous différents ou c’est ma vie : « Je pèse 140 kilos et ma vie est un enfer » / « J’ai pas de bras, pas de jambes, mais je vis comme tout le monde »… toutes ces émissions qui déroulent le quotidien de personnes qui montrent leurs tares en toute impudeur, sans jamais aborder les problèmes de fond. Car ici, notre homo-alcoolo-branché ne fait rien d’autre qu’exhiber sa vie sans jamais véritablement plonger au cœur de l’intime.

 



06/11/2016
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