LECTURES VAGABONDES

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Douglas Kennedy : Les charmes discrets de la vie conjugale : ou lorsque le lecteur demande le divorce dès la 3ème page.

Il est des auteurs qui caracolent dans le top 10 des ventes en tête de gondole des supermarchés. J'ai donc eu envie de sacrifier un peu à la mode et de lire un de ces fameux auteurs de best-sellers : les Musso, Lévy… et autres Douglas Kennedy : ce dernier cartonne actuellement avec Quitter le monde.

Sur certains blogs littéraires qui font l'éloge du quidam, Les charmes discrets de la vie conjugale sont présentés comme une version moderne de Madame Bovary. Et effectivement, le titre laisse présager une satire douce-amère du mariage.

Voilà donc ce qui a guidé mon choix dans la découverte (qui restera sans doute sans lendemain) de cet auteur. Quelle déconfiture ! et surtout, quel ennui que ces 523 pages insipides et sans aucune profondeur ! Si je n'avais pas un blog à tenir… je ne serais jamais allée jusqu'au bout de ce cauchemar littéraire !

L'histoire débute dans les années 70 : Hannah épouse Dan Bucchan, un médecin très sérieux. Elle va à contre-courant de la mode libertaire de ces années-là, fonde très vite une famille, et sombre petit à petit dans l'ennuyeuse routine d'un couple qui ronronne. Cependant, son père, professeur gauchiste à l'université du Vermont, lui demande un jour d'héberger pour quelques temps un ami à lui : Tobias Judson, qui, en réalité (mais notre héroïne ne le sait pas), fait partie du groupe terroriste des weathermen. Le brave mari, Dan, est en déplacement et c'est ainsi qu'Hannah se laissera tenter par une aventure de deux jours entre les bras du révolutionnaire. Cependant, l'histoire tourne au vinaigre : Tobias doit filer au Canada et fait chanter Hannah pour qu'elle le conduise à la frontière : c'est, de fait, un acte répréhensible et notre héroïne découvre alors le vrai visage de son amant. A contrecœur, elle exécute sa mission. Tout se passe bien : affaire classée.

Trente ans plus tard, on retrouve Hannah, toujours mariée à Dan ; ses enfants ont grandi et mènent leur propre vie.

C'est alors qu'on se demande à quoi rime toute cette histoire de Tobias Judson révolutionnaire gauchiste, car pendant 150 pages, on tourne en rond entre les visites d'Hannah à sa meilleure amie, Margy, atteinte d'un cancer du poumon et d'autres inquiétudes de l'héroïne en ce qui concerne sa fille, Lizzie, qui se débat dans une grave dépression : maîtresse d'un médecin en vogue qui lui a promis qu'il divorcerait de sa femme, elle vient de découvrir ses mensonges et ne se remet pas d'un avortement non consenti.

Et la vie conjugale d'Hannah, là-dedans ? Elle n'existe pas. Douglas Kennedy n'en parle pas… On se demande vraiment pourquoi ce roman porte ce titre. Première déception.

Inutile de dire que la comparaison avec le Madame Bovary de Flaubert s'arrête au fait que Dan est médecin (comme Charles Bovary), et qu'Hannah l'a trompé avec un être cynique qui s'est servi d'elle (comme Rodolphe)

Donc, à ce stade du roman, on se demande vraiment ce qu'on est en train de lire… pas de réel fil directeur, aucune profondeur psychologique, des poncifs sur le cancer et la dépression….

Cependant, vers la fin du roman, on retrouvera Tobias Judson (il a perdu ses cheveux, met désormais des lunettes à écailles sur le nez, et pose avec Georges W Bush devant les églises évangélistes) qui publiera un livre assassin sur la participation d'Hannah dans les réseaux terroristes et gauchistes des années 70.

Une réapparition bien opportune, qui permet à Douglas Kennedy de fustiger la droite bien-pensante et ultra-puritaine, au pouvoir aux USA…. Car notre pauvre Hannah va tout perdre : son mari, son emploi, ses amis… quelle tragédie ! mais surtout, quelle bouillie que ce livre composé quasiment intégralement de dialogues gnangnans du quotidien.

J'ouvre donc une page au hasard :

- Ton père l'a convaincue de voir un psy, c'est déjà ça.

-Qui ne l'a pas fait miraculeusement sortir de son engrenage, pour l'instant.

-Crois-en mon expérience : une thérapie, ça demande des années. Et ça ne change pas tout.

-Dans l'état où elle est, Lizzie n'a pas des années devant elle. J'ai peur, Margie, terriblement peur.

-Je me giflerais d'avoir choisi un pareil moment pour te mettre ce nouveau problème dans les pattes, avec tout ce que tu dois déjà affronter


Et ainsi de suite… à tel point que ce livre a failli valser plusieurs fois par la fenêtre… mais je me suis accrochée ! Je l'ai lu jusqu'au bout, histoire de voir ce qui rassasie le vulgum pecus en dehors d' « amour, gloire et beauté ».

Comment Douglas Kennedy fait-il pour vendre des millions d'exemplaires de ce genre de brouet ? Le mystère reste pour moi entier.

Récapitulons donc les différents centres d'intérêt de ce livre :

-Satire d'une vie conjugale moyenne et un peu plan-plan = zéro (c'est pourtant ce qu'on attendait)

-Dénonciation de la cigarette qui donne le cancer (et c'est pas bien de fumer) = oui et non. Margy meurt d'un cancer du poumon : description des intubations, bonbonnes à oxygène, morphine en intraveineuse…mais Hannah, l'héroïne, continue de fumer pour se déstresser… ceci dit, on attend un peu plus d'un roman qu'une campagne anti-tabac.

-Dénonciation de la droite conservatiste et puritaine Bushiste = ah ben ! Y sont bien tous très méchants et intolérants ! Mais l'héroïne s'en sort quand même à la fin.  

A aucun moment, Douglas Kennedy ne nous intronise véritablement dans un univers précis dont il analyserait le fonctionnement avec recul, ironie, esprit critique. L'ensemble n'est qu'un malheureux et pénible assemblage de bouts d'histoires sans densité, saupoudrés de tous les poncifs possibles et imaginables : toutes les mésaventures d'Hannah qui s'enfilent les unes après les autres ont un but démonstratif extrêmement lourdingue et très grossièrement traité…

Bref, ce roman a des relents de daube à l'américaine… à consommer à ses risques et périls.



01/06/2009
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