LECTURES VAGABONDES

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Grégoire Delacourt : On ne voyait que le bonheur/Une lecture-bonheur

 

          Voici le troisième roman de Grégoire Delacourt que je lis et pour le coup, celui-ci vaut vraiment le détour, tant au niveau de l’écriture que du contenu - même si, comme d’habitude, les bons sentiments sont à l’honneur. On ne voyait que le bonheur parait en 20014 aux éditions Jean-Claude Lattès.

 

          Le roman se découpe en trois parties. La première présente un narrateur, Antoine, qui est face à la mort imminente d’un père atteint d’un cancer généralisé. Le bonheur ? Il ne l’a jamais connu : ses parents ne l’ont jamais aimé comme il l’aurait souhaité ; ils se sont séparés ; il y a eu la mort d’une de ses sœurs jumelles : Anne. Certes, il connaît l’affection de la sœur qui est restée - Anne – et celle d’un ami, Frédéric, surnommé FFF. Dans sa vie personnelle, Antoine ne connait pas non plus le bonheur : sa femme, Nathalie, le trompe, puis, le quitte.

Il a perdu son travail d’inspecteur pour une assurance. Et un jour, il pète les plombs et veut assassiner toutes sa famille ; il tire sur sa fille, Joséphine qui perd une partie de sa mâchoire, mais ne va pas plus loin.

          La seconde partie poursuit la première : on y lit l’enquête qui a eu lieu après la tentative d’assassinat sur Joséphine, des confidences à Léon, le fils d’Antoine qui est parti refaire sa vie loin avec Matilda et son fils, Arginaldo.

          Pour la troisième partie, nous changeons de narrateur : c’est Joséphine qui raconte son long combat pour retrouver un visage normal et pardonner à son père…. à la dernière page.

 

          A l’intérieur de ces trois parties, le roman est construit selon une suite de petits chapitres qui ne suivent pas l’ordre chronologique, mais qui s’organisent autour de chiffres. En effet, dès la première page, l’auteur pose la question de la valeur monétaire d’une vie. Combien ça coute, une vie ? En recettes ou en dépense. Puis, s’ouvre la succession des chapitres autour d’un souvenir lié à un chiffre qui peut bien être une somme d’argent, un nombre de billes, ou autre.

          La narration n’est pas non plus linéaire et on change de narrateur ou de destinataire : parfois, Antoine s’adresse à son fils, Léon, en le tutoyant, parfois, non. C’est ainsi que le roman résonne selon le registre de la confidence, globalement. Voilà pour les détails techniques qui prévalent dans ce roman dès lors, assez original.

          Le contenu, quant à lui, est assez classique. Il brosse le tableau de deux couples - sur deux générations - qui se déchirent et qui déchirent, par là-même, la vie de leurs enfants. Nous avons tout d’abord, le couple des parents d’Antoine. Le père, André, est chimiste. C’est un homme terne et taciturne et Antoine lui reproche de ne pas l’avoir assez aimé et surtout, de ne pas avoir correctement aimé sa femme, la mère d’Antoine qui les quitte et part à la dérive. L’enfant a donc souffert du manque de sa mère, de l’indifférence de son père.

          Le second couple dont il est question dans le roman, c’est celui que forme le narrateur avec Nathalie qui le trompe avec un collègue. S’ensuit le divorce, la famille éclatée et la crise du narrateur qui tente d’assassiner sa fille.

          Alors, bien évidemment, comme d’habitude chez Grégoire Delacourt, on a droit à un festival de bons sentiments. Le pathos, d’abord, avec la mère qui meurt oubliée de tous ; on découvre son cadavre chez elle, plusieurs jours après sa mort. Puis, c’est la petite sœur Anne qui meurt dans son sommeil. Quant à la crise existentielle qui pousse le narrateur à la limite de l’irréparable, on n’y croit pas car elle est mal sentie. Certes, le quidam vient de perdre son travail et sa femme, mais sa dérive dans le désespoir n'est pas traitée, ce qui fait que l’événement arrive comme un cheveu sur la soupe.

          N’oublions pas non plus le happy end : Joséphine, la fille mutilée du narrateur, part retrouver son père pour lui pardonner. Auparavant, celui-ci a refait sa vie et vit avec Matilda dont il élève le fils comme il aurait aimé être lui-même élevé, c’est-à-dire dans l’amour. 

          Ainsi, On ne voyait que le bonheur est un roman qui garde les faiblesses des autres romans de Delacourt, mais qui joue un ton plus haut grâce à l’originalité de sa construction. Et puis, n’oublions pas la saveur de cette écriture simple et juste. Quant au thème principal, la quête du bonheur, il est essentiel et universel.



16/12/2019
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