LECTURES VAGABONDES

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Hans Fallada : Quoi de neuf, petit homme ? / Un bon petit roman social.


Quoi de neuf du côté d’Hans Fallada ? Il semblerait bien que les éditions Denoël continuent à publier en France l’œuvre de ce grand écrivain réaliste de l’Allemagne nazie. En effet, Quoi de neuf, petit homme ?, écrit en 1955 par Hans Fallada paraît en 2007 aux éditions Denoël.

Nous sommes en Allemagne, en plein dans la dépression économique des années 30. Emma Mörschel tombe enceinte de Johannes Pinneberg ; les jeunes gens s’aiment et se marient. Mais la vie n’est pas facile pour ce modeste couple : le chômage guette, les prix augmentent. Employé chez Bergmann, puis chez Kleinholz à Ducherow, Johannes est bientôt licencié. Grâce à l’aide de l’amant de sa mère, Johannes trouve un emploi de petit vendeur de vêtements chez Lehmann, à Berlin. Le petit Mouflet naît et à nouveau, c’est la galère : Pinneberg est mis à la porte. Le couple s’installe alors dans un cabanon et vit au jour le jour, sans toutefois perdre espoir.

Quoi de neuf, petit homme ? est un roman qui propose donc à la fois une satire sociale de l’Allemagne des années 30 et l’histoire d’amour simple et émouvante d’un couple modeste.

Attachons-nous d’abord à la satire sociale. Le roman joue sur l’opposition entre l’honnêteté du couple Pinneberg - bien mal récompensé de sa droiture morale, puisque toujours, il est obligé de compter et plusieurs fois se trouve sans ressource – et la malhonnêteté de son entourage qui s’en tire pourtant mieux que lui, s’enrichit. D’abord, il y a la mère de Pinneberg, qui se livre à des activités louches de jeu, de prostitution ; son amant, Jachmann, n’est pas en reste : il s’enrichit dans d’obscures activités. Cependant, rien n’est vraiment blanc ou noir : Jachmann aide le couple financièrement, Heilbutt, collègue et ami de Pinneberg, licencié de chez Lehmann et reconverti dans la pornographie où il gagne bien sa vie, offre également au couple l’occasion de s’installer dans son cabanon pour quasiment rien et il voudrait aider également un peu le couple au niveau financier. Cependant, les Pinneberg sont fiers : ils n’acceptent pas toujours l’aide des autres. Ainsi, en période difficile, chercher à gagner honnêtement sa vie n’est pas forcément un bon plan : à chacun, donc, son système D dans une société largement corrompue.

Il est vrai que la vie est dure pour les Pinneberg : ils sont obligés de compter le moindre pfennig, ils se privent parfois de chauffage, de nourriture. Leurs conversations roulent sans arrêt sur l’argent qu’il faut économiser, celui qu’ils n’ont pas, celui qui devrait rentrer, celui qu’il faut dépenser pour vivre. Par ailleurs, la vie d’employé chez Lehmann n’est pas vraiment rose. Chaque vendeur se doit d’atteindre un quota de vente, un certain chiffre d’affaire : pression qui a tendance à augmenter, pression qui devient intenable dans une époque où vendre est de plus en plus difficile. Et puis, méfiance ! Les collègues ne sont pas tous gentils comme Heilbutt : la délation est monnaie courante. Bref, le roman offre une vision noire du monde du travail et de sa mesquinerie.

Il y a également, dans Quoi de neuf, petit homme ? une bonne dose de cruauté. Un jour, le couple Pinneberg va au cinéma et s’émeut de l’histoire du film qui lui paraît tellement ressembler à la sienne ! Un peu plus tard, Pinneberg est aux abois : c’est la fin du mois et il n’a pas encore atteint son quota de ventes. Or, l’acteur Schlüter entre dans la boutique. Convaincu de la bonté de celui qui a si humainement interprété le rôle d’employé modeste au chômage dans le film, Pinneberg le supplie d’acheter quelque chose pour lui permettre de boucler son mois. Schlüter, choqué, se plaint à la direction du comportement de l’employé Pinneberg qui force le client à l’achat : ce dernier perd son emploi. Au chômage, Pinneberg se clochardise et est victime du mépris social ; lui si honnête, il a l’impression d’être un criminel, car oui, la pauvreté est considérée par la société comme un crime.

Je serai un peu moins enthousiaste en ce qui concerne l’histoire d’amour qui unit Emma et Johannes. Nous sommes aux antipodes de la vision traditionnelle des petites gens tourmentées par le besoin. Zola, par exemple, dans l’Assommoir, nous décrit un monde ouvrier rongé par l’alcoolisme et le relâchement des mœurs. Difficile pour une personne honnête de ne pas se laisser aller au désespoir et au renoncement. Fallada nous offre, avec Quoi de neuf, petit homme ? l’histoire d’un couple heureux, uni par l’amour et ce bonheur est plus fort que tout ; bref, peu importent les difficultés, le manque d’argent, la nécessité ; l’important, c’est l’amour tellement fort qu’il ne se laisse pas atteindre par le besoin. Jamais un nuage, jamais une dispute. Bref, si Zola en fait un peu trop dans la noirceur, Fallada sombre, quant à lui, dans l’angélisme de « l’amour plus fort que tout », et cette vision manichéenne de la vie nuit à la force de la satire sociale, l’affaiblit. Par ailleurs, j’ai trouvé les dialogues du couple vraiment lénifiants : on s’envoie du « Mon môme », du « Ma Bichette » à tire-larigot… sans compter le petit « Mouflet ». C’est vraiment tout sucre, tout miel… c’est rose-bonbon ; ça finit par sentir la guimauve à tel point qu’on frôle parfois l’écœurement.

Ainsi, Quoi de neuf, petit homme ? n’atteint sans doute pas la profondeur tragique de Seul dans Berlin. C’est cependant un roman émouvant qui brosse le tableau d’un couple honnête et amoureux que la tourmente des années 30 ne touche que matériellement. Étonnante ambigüité que d’avoir voulu adopter une vision somme toute optimiste de la vie dans les années 30, là où bon nombre d’écrivains auraient pris le parti de la noirceur et du désespoir...



18/09/2013
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