LECTURES VAGABONDES

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Honoré de Balzac : La cousine Bette /Pas copine avec ce roman.

      Quelle idée ai-je eu de me coller un classique aussi aride dans ces vacances grecques ? Peut-être ai-je voulu coller à l’aridité du pays ? Une fois n’est pas coutume, je ne tresserai aucun laurier à ce grand écrivain qu’est Honoré de Balzac en ce qui concerne ce roman intitulé La cousine Bette, paru en 1847.

 

      Nous sommes sous la monarchie de Juillet, chez le baron Hulot. L’homme s’est distingué sous l’empire et c’est là qu’il a acquis ses lettres de noblesse. Au moment où démarre l’histoire, il est haut-placé au ministère de la guerre. Cependant, il ne faudrait pas se leurrer : la famille Hulot est dans le besoin, car ce cher Hector Hulot a une maîtresse qui le ruine : Josépha, une cantatrice qu’il a piquée au suffisant bourgeois Célestin Crevel. Pour se venger de cet affront, Crevel – dont la fille, Célestine, a épousé le fils Hulot, Victorin – voudrait faire de la femme du baron Hulot, Adeline, sa maîtresse. Mais celle-ci, très vertueuse, refuse les avances grossières du bourgeois. Cependant, Josepha quitte à son tour le baron Hulot pour le duc d’Hérouville, un meilleur parti. Cependant, très vite, Hector tombe amoureux d’une autre femme : la bourgeoise et mariée Valérie Marneffe qui va user et abuser de son charme pour ruiner totalement le baron Hulot. Il faut dire que celle qui veut à toute fin la ruine de la famille Hulot, c’est la cousine d’Adeline Hulot : la cousine Bette. Et cette cousine Bette et Valérie Marneffe sont deux amies inséparables. Ainsi, elles s’allient dans ce funeste dessein d’anéantir la Vertu. Car ce sont bien Adeline Hulot et sa fille Hortense qui sont visées : la première parce que, dans sa jeunesse, elle était toujours celle qui passait avant tout autre, eu égard à sa beauté, tandis que la cousine Bette est la parente pauvre et négligée de la famille. Hortense, quant à elle,  a séduit et épousé le protégé de Bette, le jeune artiste sculpteur Wenceslas Steinbock. Valérie Marneffe se retrouve donc à jongler avec trois amants différents qu’elle mène par le bout du nez et à la ruine : le baron Hulot, Crevel – qui veut sa revanche sur Hulot et s’en prend désormais à cette maîtresse-là – et le jeune Wenceslas. Cette femme-là sera un vrai désastre pour la famille Hulot : Hortense quitte son mari, Wenceslas, car elle ne supporte pas la trahison ; quant à Hector Hulot, il se ruine et ruine toute sa famille pour elle. Il s’est également compromis dans des affaires douteuses et décide de partir, incognito, refaire sa vie sous une autre identité. C’est Victorin, le fils du baron Hulot, qui vengera sa famille. Il fait appel à une sorte de vieille sorcière qui ourdit une manigance perfide et abominable : en effet, Crevel, le père de Célestine, femme de Victorin, a finalement réussi à épouser Valérie Marneffe, qui, de son côté, s’est prise de passion pour Wenceslas. Cependant, notre bourgeoise-courtisane a un amant issu de son passé qui n’est au courant de rien et qui espère l’épouser : il s’appelle Henri Montès. Mis au courant de la duplicité de se maîtresse, fou de rage et de douleur, il assassine le couple Crevel en leur inoculant une maladie mortelle et incurable ; la cousine Bette, désespérée par la disparition de sa si chère amie, meurt de chagrin, peu après. La baronne Adeline réussit à retrouver son mari : hélas, son bonheur sera de courte durée car toujours fidèle à ses démons, le libertin se ruine pour des femmes toujours plus bêtes, toujours plus laides. Ces trahisons multiples auront raison de la santé de la baronne qui meurt de chagrin.  

 

      Je dois dire que ce roman de Balzac est loin de m’avoir passionnée. D’abord, il est question d’argent à toutes les pages. Certes, dans le monde du XIXème siècle, c’est un thème incontournable, mais ici, la chose est traitée de manière trop pointue ; en effet, on entre dans des détails chiffrés quelque peu soûlants, dans l’évocation de pratiques caduques : rentes, billets de changes et autres machines à sous. Je sais bien que l’argent est volontairement mis en avant par l’auteur comme étant le ressort de toutes choses dans ce monde de la monarchie de Juillet sans gloire et sans morale, mais trop de détails techniques et financiers rendent la lecture de ce roman vraiment aride.

      Par ailleurs, la construction du roman me paraît bien hasardeuse. On sait que Balzac écrivait ses romans parfois au petit bonheur la chance, puisque ces derniers étaient avant tout destinés à des journaux qui les publiaient sous forme de feuilletons. La cousine Bette est ainsi conçu sous forme de scènes qui évoquent des visites des personnages les uns chez les autres. Ainsi, le résumé que j’ai proposé est loin de rendre compte de tous les virements et les revirements de situation, effets de conversations de tous types : franches ou mensongères, amicales ou hostiles. Lorsqu’on essaie de dominer l’ensemble, on se demande pourquoi ce roman s’intitule La cousine Bette puisque ce personnage est plutôt insignifiant et n’est jamais le moteur de l’intrigue. Elle est, normalement, un personnage malfaisant ; mais toutes les manipulations sont le fait de Valérie Marneffe, et non de cette Lisbeth qui apparaît donc comme un personnage de seconde zone, plutôt falot.

      De plus, la cousine Bette est sans doute l’un des romans les plus manichéens de Balzac : il se plait à fustiger l’âme noire et corrompue de Valérie Marneffe, tout comme il se complait à pleurnicher sur la pureté et l’abnégation de la très vertueuse baronne Adeline Hulot.  Bref, c’est le combat du Vice contre la Vertu… Un peu simpliste, comme débat !

      Enfin, plus que dans tout autre roman, Balzac se livre ici à des digressions de tout acabit : souvent moralisatrices, d’autres partent dans des réflexions sur l’Art, le Vice, la Vertu et autres grandes entités philosophiques, ou encore, il se livre à des explications sur les types humains, car son but est de donner au lecteur un tableau de la vie parisienne et du fonctionnement des âmes qui l’agitent. C’est qu’il faut le suivre, note Honoré ! Ce qu’il raconte n’est pas toujours passionnant ! Par ailleurs, cet homme est un érudit et de nombreuses références ou comparaisons, sont, soit trop ancrées dans le XIXème siècle et ne sont plus usitées aujourd’hui, soit… elles m’échappent, car je n’ai pas la culture artistique et philologique de notre célèbre écrivain !

      Alors, bien évidemment, La cousine Bette est loin d’être un roman nul et mal écrit ! Mais il est assez aride et le fond est, somme toute, déjà traité dans d’autres romans de Balzac. Il s’agit de montrer à quel point les hommes qui ont fait la gloire de la France sous Napoléon et le premier empire sont inadaptés à la société embourgeoisée de la monarchie de Juillet. En effet, le baron Hulot est un héros des épopées napoléoniennes : l’honneur, le courage, l’héroïsme, le goût de l’aventure sont des valeurs obsolètes en 1830 ; désormais, place à l’agent, aux compromissions, au m’as-tu-vu, à l’arrivisme et à la corruption. Le baron Hulot ne peut assouvir sa soif de conquêtes que dans la séduction des femmes.

      Je dois dire que ce thème du heurt entre deux époques incompatibles et pourtant si proches, l’autre défaisant ceux qui ont lait la gloire de l’une, a déjà été traité avec plus de tripe dans le colonel Chabert. La cousine Bette, est donc, selon moi, un Balzac loin d’être indispensable.



30/01/2016
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