LECTURES VAGABONDES

    Voici un thriller qui sort des sentiers battus. En effet, il allie le suspense, l’Histoire et la musique. C’est parti, donc, pour un voyage sous le IIIème Reich, mais aussi pour le somptueux XVIIème siècle en compagnie de Monteverdi. Le violon d’Hitler est écrit par Igal Shamir et parait en 2008 aux éditions Plon.

          Tout  commence pendant la seconde guerre mondiale, en France. Gustav Schultz fait partie de la Wehrmacht mais c’est surtout un violoniste hors-pair. Son ami Franz Becher lui donne l’opportunité de jouer devant… Hitler lui-même. Le petit concerto aura lieu dans un château de la Nièvre et ce sera l’occasion pour le Führer d’acter une collaboration entre l’Allemagne nazie et l’extrême-droite américaine. A la fin de sa prestation, hautement appréciée par tous, Gustav Schultz montre des papiers qu’il détient à Hitler : son but, décrocher l’autorisation d’aller à Venise approfondir l’étude qu’il est en train de mener sur Monteverdi et ses relations avec un violoniste juif : Salomone Rossi. Hitler se met dans une rage folle, détruit le violon de Gustav et ordonne à Franz Becher l’exécution de son ami. Franz obtempère. Cependant, caché sous un escalier, un enfant a été témoin de l’altercation. Cinquante ans plus tard, Gal Knobel donne un concerto à Venise. Il joue, entre autre, les psaumes du roi David de Salomone Rossi. A la fin de sa prestation, il fait la connaissance de celui qui l’a invité à participer à la cérémonie : Alphonse de Morillon, un cardinal qui n’est autre que l’enfant qui fut témoin de la chute de Gustav Schultz. Ce dernier veut connaître la raison pour laquelle Hitler s’est mis en rage lorsque Schultz lui a montré ses papiers concernant Monteverdi. Il demande à Gal de l’aider. En effet, Gal s’intéresse à Rossi et fut autrefois membre d’un service destiné à traquer les anciens nazis planqués aux quatre coins du monde ; il accepte donc. Sur le chemin de l’hôtel, il a la désagréable sensation d’être suivi. Gal commence son enquête aux archives de Venise et se retrouve mystérieusement enfermé dans le local où il consulte les documents. Il parvient à s’échapper et décide de téléphoner au service dont il a fait partie pour les avertir de son affaire qui semble encore susciter des émois dans les réseaux nazis. Il fait la connaissance d’Eve qui fait partie du service et lui raconte son histoire : Salomone Rossi, à une époque où les juifs étaient persécutés, a écrit pour Monteverdi de larges passages de l’Orféo, considéré comme le premier opéra au monde. Et puis, le célèbre compositeur a également eu une liaison avec la sœur de Rossi. Cette révélation a mis Hitler hors de lui. Assez rapidement, des sentiments amoureux se nouent entre Eve et Gal. Nos deux tourtereaux se croisent et se décroisent au fur et à mesure de l’enquête que Gal mène aux quatre coins de l’Europe. Finalement, avec l’aide du Service, il parvient à kidnapper Franz Becher. L’homme ne sait pas grand-chose de plus : il avoue cependant, qu’il a enterré Schultz avec le cartable qui contenait les papiers de ses recherches. Il faut donc désormais retrouver la tombe de Schultz. Cependant, Franz Becher avertit Jürgen Von Staden - qui était présent le jour du drame qui a emporté Schultz et qui sait pourquoi Hitler s’est mis en colère – du fait qu’il a été enlevé et que l’affaire Schultz déchaine encore les passions. Von Staden, qui trafique encore dans des réseaux nazis, commandite l’exécution de Becher qui a cependant le temps d’envoyer à Gal le plan de l’endroit où Schultz est enterré. Avec Eve et d’autres membres du Service, ils découvrent la tombe de Schultz et s’accaparent du dossier qui contient un extrait de partition de L’Orféo annoté par Vincent d’Indy, un autre chercheur qui a œuvré sur Monteverdi. Cependant, Jürgen Von Staden est arrêté par le Service et envoyé en Israël pour y être interrogé : pourquoi Hitler s’est-il mis dans une telle fureur lorsque Schultz lui a montré ses papiers sur Monteverdi ? Certes, l’homme est très affaibli et va mourir. Il faut le faire parler avant qu’il décède. Avant de mourir, Von Staden révèle un code qui, lorsqu’il est compris, ouvre un coffre à la Romex de Francfort, coffre qui renferme de précieux documents sur les réseaux nazis. De son côté, Gal comprend la signification de l’extrait de partition trouvé dans le porte-documents de Schultz. Il découvre que Rossi a été assassiné pour ne pas compromettre Monteverdi et les chrétiens : le génie de l’Opéra est et restera Monteverdi, et non pas un juif. Au terme de l’enquête, Eve et Gal vont pouvoir s’aimer. Cependant, la jeune femme doit encore terminer une mission. Malheureusement, elle sera tuée dans un attentat en Espagne. De la même manière, Gal apprend la mort du cardinal Alphonse de Morillon qui l’a tant aidé dans ses recherches et avec lequel il se sentait en amitié. Inconsolable, Gal se remet à jouer du violon et offre un concerto à Paris : il ne sait pas, lorsqu’il prend son violon qu’il va là jouer pour la dernière fois : Mathias Ruff, un tueur mandaté par le réseau nazi est dans la salle. Mais peut-être sera-t-il ému par la prestation de Gal ?

           Avec Le violon d’Hitler, Igal Shamir signe un thriller original qui mêle Histoire, histoire d’amour et musique. Par ailleurs, l’enquête sur le violoniste assassiné sur ordre d’Hitler, Gustav Schultz, est teintée d’espionnage. Dès le départ, l’atmosphère est lourde : nous sommes sous le IIIème Reich, lors d’une rencontre officielle où sont présentes d’éminentes personnalités. Et elle s’alourdit encore lorsque nous plongeons au cœur des Archives de Venise ou encore du Vatican. Le morbide est également présent puisque les enquêteurs se trouvent à déterrer un cadavre dans un bois, la nuit, ou encore chez Franz Becher, lorsqu’il est torturé par les agents envoyés par Von Staden pour l’assassiner.

          Même s’il appartient en grande partie au passé, le nazisme n’est cependant pas mort : il est aussi entré au Vatican là où le cardinal Alphonse de Morillon est persécuté par le cardinal Schmidt, tête pensante d’un réseau qui complote avec les nazis d’aujourd’hui. La guerre se fait désormais en sourdine, par des exécutions et de l’espionnage.    

          Sans aucun doute, Igal Shamir est juif et les persécutions contre les juifs sont au cœur de son roman. L’auteur rappelle en effet que les juifs n’ont pas seulement été persécutés pendant la seconde guerre mondiale. Ils l’ont aussi été à d’autres époques, notamment à Venise, au XVIIIème siècle. Salomone Rossi, le compositeur, fut assassiné parce qu’il était inconcevable qu’un juif soit à l’origine du premier opéra de l’Histoire : L’Orféo. C’est donc (après qu’on a fait se taire définitivement Rossi) Monteverdi qui a tiré à lui tout le prestige dû à Rossi.

          Cependant, ce roman a quand même de petits défauts. L’enquête est lente, pour ne pas dire qu’elle n’avance pas : à la fin, on n’en sait pas beaucoup plus qu’au départ : Rossi dérange parce qu’il est juif et qu’il écrit une large part des œuvres aujourd’hui attribuées à Monteverdi. Ce fait est répété à l’envi, et pendant tout le roman, cette idée tourne et retourne sous toutes les coutures et sous tous les angles possibles.

          Je soulignerai l’originalité de la fin puisque tous vont mourir, et pas seulement les méchants nazis. On ne s’attend pas du tout à ce que meure Eve alors qu’une histoire d’amour se trame entre elle et Gal. Et encore moins à ce que Gal lui-même soit exécuté – même si le roman s’arrête au moment où il entame ce qui doit être le dernier concert de sa vie. Son talent empêchera-t-il le tueur d’exécuter sa mission ? Peut-être, mais on en doute. Alors qu’on attendait un happy end dans le style « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », nous voilà en deuil ! Je dois dire que cette fin très sombre est bien imaginée : elle clôt le roman dans une atmosphère crépusculaire qui parachève le climat déjà oppressant de l’œuvre.

          Si on est à la recherche d’un thriller qui sort des sentiers battus, Le violon d’Hitler est une bonne option car il possède une petite musique particulière qui fait son charme.