LECTURES VAGABONDES

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José Luis Munoz : Babylone Vegas/Beautiful trip !



         Quel bon souvenir je garde de ce voyage dans l’Ouest Américain à travers les paysages colorés et désertiques de l’Arizona, de l’Utah et du Névada… bien évidemment, une escale de deux jours dans la ville de Las Vegas est un passage obligé. Avec Babylone Vegas de José Luis Munoz, paru en 2010 aux éditions Actes Sud, je n’ai pas été déçue du voyage.

 

          Mike Demon sillonne le désert du Nevada par une chaleur accablante. Il doit rentrer chez lui à Los Angeles, mais auparavant, il a rendez-vous avec un client ; en effet, Mike vend des polices d’assurance agricoles. Cependant, la voiture qu’il conduit tombe en panne et voilà Mike contraint à un séjour forcé dans la ville de toutes les perditions : Las Végas. Au début, notre homme résiste à la tentation des machines à sous. Mais des problèmes personnels – sa femme lui annonce par téléphone qu’elle souhaite divorcer, tandis que sa maîtresse mexicaine déclare avoir trouvé un nouvel amant prêt à lui offrir une nouvelle vie – auront vite fait de déstabiliser notre héros qui commence à jouer. Bientôt il entre dans la spirale infernale du jeu, de la boisson, des femmes d’un soir. Il rencontre surtout une femme d’un certain âge, Laramie, qui lui colle aux basques. Mike est vaguement écœuré par cette liaison un peu rance, mais Laramie est chanceuse au jeu et lui prête de l’argent lorsqu’il perd de grosses sommes. Une nuit, Mike assassine Laramie pour lui voler de l’argent. C’est alors qu’il gagne à la roulette. Il quitte Las Végas avec une coquette somme qui va lui permettre de refaire sa vie. En route, il rencontre une fille étrange, dévergondée, fugueuse… un peu paumée : Cinthya. Mike sera puni par là où il a péché : pour s’accaparer l’argent qu’il possède, Cinthya assassine Mike.

 

          Voici un excellent petit roman noir que je vous recommande absolument. J’ai adoré l’ambiance poisseuse qui se dégage de l’ensemble et qui colle tout à fait à l’atmosphère de ce coin perdu du désert qu’est finalement Las Vegas, lieu de perdition et d’espoir – faire fortune rapidement et facilement - où l’on échoue pendant quelques jours et où l’on ne fait finalement que passer. Tout d’abord, il y a ce désert brulant de soleil où l’on roule seul pendant des kilomètres : c’est un peu, pour Mike, l’entrée de l’enfer qu’il faut traverser telle une bouche de feu. La voiture rend l’âme. Descente chez des garagistes pas très courageux, qui promettent une réparation pour dans… « quand on aura les pièces », etc… et nous voici à Las Vegas où Mike va progressivement perdre la notion du temps car à Las Vegas, peu importe qu’on soit la nuit ou le jour… La vie artificielle bat sans jamais s’arrêter. Débute alors une phase d’observation perplexe de l’addiction de certaines personnes pour les machines à sous : les trois rouleaux qui défilent de manière hypnotique et qui parfois affichent le jack pot. C’est là que Mike commence à se perdre… mais qu’y a-t-il encore à perdre lorsqu’on se tape un travail sans intérêt et qu’on s’embourbe dans des relations féminines qui capotent ? La perdition, c’est aussi l’alcool que Mike commence à consommer sans modération, véritable compagnon de jeu dont il attise l’euphorie et l’excitation qui lui sont liées. Les relations féminines dans lesquelles Mike se lance à Las Vegas sont sans lendemain, même si au détour d’une nuit, notre héros se plait à croire le contraire. Le meurtre, finalement constitue le dernier palier dans cette descente aux enfers, dans cette progressive perte de tout repère et de toute norme morale. L’argent, c’est finalement le cadeau du diable puisque pour l’obtenir, Mike aura, en quelque sorte, vendu son âme au temple de la perdition qu’est Las Vegas. Et puis, loin de lui permettre de recommencer une nouvelle vie facile et remplie de plaisirs divers et variés, l’argent scellera son destin puisque c’est la mort qu’il va provoquer par un incroyable mais vrai retournement ironique de la situation.

          Parallèlement à l’histoire de Mike, il y a aussi l’histoire du père de Mike, encore présente à l’esprit de notre héros. De nombreuses années auparavant, le père de Mike s’est suicidé : très croyant, il n’a pas supporté cette addiction au jeu qui le torturait. C’est à Las Vegas qu’il allait assouvir son vice. Ainsi, Mike a souvent à l’esprit des bribes de discours issues de l’Apocalypse de Saint Jean, véritable livre de chevet de son père. Las Vegas, c’est donc une cité maudite qu’on peut rapprocher de la Babylone de la Bible.

          Las Vegas est une ville indescriptible, qui dépasse l’entendement. J’y suis allée et j’en ai gardé l’image d’un lieu-ovni, qui n’existe nulle part ailleurs. Loin de moi la tentation de baver facilement sur cet endroit où tout est démesuré - à commencer par son existence en plein cœur d’un désert laid et hostile - pour finir par fustiger ce temple érigé pour l’adoration du dieu argent. Il faut dire qu’en ce qui me concerne, je n’ai pas gouté aux délires de cette ville : je l’ai visitée comme une vraie touriste qui reste extérieure à ses us et coutumes. Babylone Vegas raconte tout ce que j’aurais pu y faire… c’est un excellent voyage par procuration aux confins de l’Amérique !



16/10/2016
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