LECTURES VAGABONDES

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Madeleine Mansiet-Berthaud : Mademoiselle dite Coco / Cucul pour ne pas dire concon et caca.

 

               
              Si aujourd’hui, la griffe Chanel incarne la haute-couture française traditionnelle dans ce qu’elle a de classe et de classique (et si j’étais mauvaise langue, je dirais même que tous les produits de cette marque sont destinés à de vieilles richardes momifiées), il fut un temps originel où Chanel, c’était une femme avant-gardiste, provocante et provocatrice. Madeleine Mansiet-Berthaud nous invite à découvrir ce personnage de caractère dans un roman intitulé Mademoiselle dite Coco paru en 2013 aux éditions Terres de femmes-De Borée.

                Le roman s’attache à retracer le parcours de Gabrielle Bonheur Chasnel entre les deux-guerres : la jeune créatrice de mode vient de perdre le grand amour de sa vie, Arthur Capel. Elle se remet de ce deuil entre les bras de Dimitri Pavlovitch, grand duc russe, cousin du tsar Nicolas II, puis du duc de Westminster. Elle fréquente les artistes, particulièrement les russes comme Stravinski ou Diaghilev, qui, chassés de leur pays par la révolution, ont trouvé refuge en France ; elle est, à ses heures, mécène ; elle achète des résidences à Biarritz ou à Mimizan ; elle est de toutes les réceptions mondaines. Accessoirement – enfin, dans le roman - elle travaille à créer des vêtements féminins révolutionnaires (pantalons, robes qui libèrent les jambes) ou des parfums pour femmes.

                On ne s’attardera pas trop sur ce roman-bluette qui passe à côté de son sujet. Un personnage aussi avant-gardiste que Coco Chanel aurait sans doute mérité d’être traité dans ce qu’il a de battant, de visionnaire, de féministe et de révolutionnaire. Mais sans doute ce roman s’adresse-t-il à un public féminin plutôt cucul qui apprécie les lectures à base d’amour, gloire et beauté. Ainsi, on ne retiendra de la grande modiste au travail que l’image d’une couturière affairée avec son bolduc autour du cou. Pour le reste, Madeleine Mansiet-Berthaud s’attarde sur les deux histoires sentimentales qui ont marqué la vie de Coco Chanel entre les deux-guerre : deux hommes illustres, certes, mais qui n’ont en aucun cas été des catalyseurs du talent de la modiste (les hommes qui ont lancé la couturière sont de l’histoire ancienne  et ont peut-être le tort de n’être pas tellement prestigieux ; en effet, qui connaît Etienne Balsan et Arthur Capel ?). J’ai nommé Dimitri Pavlovitch, grand duc russe, cousin du tsar Nicolas II, et le célèbre duc de Westminster : bref, les amants de Coco Chanel ont de quoi faire rêver dans les chaumières car ce sont des « people » de l’époque et le roman de Madeleine Mansiet-Berthaud a donc un côté « Voici, toute l’actu des people des années 30». Bien évidemment, Coco Chanel est une femme d’exception : elle sait se faire désirer ; les hommes sont subjugués par son charme et son caractère décidé : ils lui offrent des fleurs, des bijoux, des voyages superbes. Quant à notre héroïne, elle est – comment dirai-je - … capricieuse ! Une femme aussi exceptionnelle ne peut qu’avoir des exigences farfelues, comme celle ne n’accepter que des fleurs sauvages. En outre, la modiste est particulièrement désagréable avec ses employées qu’elle soupçonne de paresse. Et le fait qu’elle achète une résidence destinée aux vacances de celles-ci ne rattrape que de justesse l’impression que la Coco n’est qu’une parvenue embourgeoisée qui pète désormais dans la soie.

                Pour le reste, notre créatrice de mode passe son temps à acheter des résidences, à les décorer, à fréquenter des artistes – et même Winston Churchill - à participer à des chasses à courre, à des réceptions mondaines… son génie ? Sa créativité ? Ses sources d’inspiration ? On ne sait pas vraiment d’où elle les tire. On la voit décider de s’afficher à une réception du duc de Westminster en pyjama de soie ou en pantalon lors d’une partie de chasse à cheval : ainsi une mode libératrice et vraiment féministe est-elle lancée par Coco Chanel. Point final. Enfin presque. On sait que la modiste est stérile, que le duc de Westminster ne l’épousera pas pour cette raison, que le célibat, c’est ce qu’elle revendique haut et fort contre les mœurs de l’époque. On aurait aimé aussi que cette figure du féminisme de l’époque soit mieux dessinée dans ce roman qui se borne au vernis amoureux, mondain et futile du personnage.

                Aujourd’hui, c’est Karl Lagerfeld qui porte les couleurs créatrices de la marque Chanel : on se demande si Madeleine Mansiet-Berthaud n’a pas puisé son inspiration dans le côté mondain, dandy un rien impertinent, mais surtout prétentieux et méprisant du reste de l’humanité qu’affiche cette pitoyable momie emperruquée. Car on se demande bien si le Karlo aurait eu les couilles de lancer sa propre griffe en partant de rien. Par contre, pour s’afficher sur le tapis rouge de Cannes, ou dans les grands palaces des capitales du monde, le Karlo, il est très fort… et notre Mademoiselle Coco Chanel du roman de Madeleine Mansiet-Berthaud, aussi.



05/04/2014
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