LECTURES VAGABONDES

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Max Gallo : Les Romains (tome 1) – Spartacus, la révolte des esclaves.


                Voici le premier tome d'une fresque historique en 5 volumes, fresque dédiée à d'illustres personnalités de la Rome antique : Les Romains – Spartacus, la révolte des esclaves écrit par Max Gallo en 2006 et paru aux éditions Fayard. Comme le titre l'indique, ce premier tome est donc consacré à Spartacus, le fameux gladiateur qui a su cristalliser la colère de milliers d'esclaves décidés à se révolter contre leurs difficiles conditions de servitude.

                Nous sommes en 71 avant Jésus-Christ. En Thrace, Spartacus souhaite intégrer l'armée romaine dont il admire la bravoure. Très vite, la désillusion l'emporte sur la fierté d'appartenir à une légion romaine : Spartacus, le thrace, est victime d'humiliations car il n'est pas un citoyen romain. Il déserte donc la légion romaine mais sera repris et vendu comme esclave à Cnaeus Lentulus Balatius, qui organise les jeux de Cumes. Ainsi, Spartacus devient gladiateur, et ne tarde pas à se révolter contre ce qu'on lui impose de faire : tuer un de ses frères ou mourir lui-même, dans des conditions d'une extrême violence. Aidé par Curius, l'entraineur, il s'enfuit de l'arène avec d'autres gladiateurs. Commence donc une guerre servile de grande ampleur : des milliers d'esclaves rejoignent la mutinerie et défont les légions romaines qui doivent les arrêter. Partout, le sud de l'Italie n'est plus que ruine, charnier, pillage. C'est Crassus, le célèbre proconsul, qui mettra les moyens pour arrêter Spartacus et ses hommes. Tout se termine dans un bain de sang et les esclaves révoltés survivants seront tous crucifiés sur la via Appia qui relie Rome à Cumes.

                Avec Spartacus, la révolte des esclaves, Max Gallo nous fait redécouvrir une figure révolutionnaire de l'histoire romaine : le susnommé Spartacus. Il brosse le portrait d'un homme épris de liberté, fier, animé d'une farouche volonté. Rien de bien original, me direz-vous, car c'est bien ainsi que l'on s'imagine le célèbre gladiateur. Cependant, Max Gallo a aussi voulu ménager des zones d'ombre dans la personnalité de Spartacus : il apparaît souvent pensif, méditant devant la plaine. Il doute de son destin, même si sa compagne, la prêtresse de Dionysos Apollonia, est convaincue que Spartacus est élu par les Dieux pour mener la révolte et ne cesse de le lui répéter. Ses desseins ne sont pas très nets : il ne sait s'il doit attaquer Rome et la soumettre ; s'il est préférable de gagner la Sicile, puis une autre terre où les hommes pourront mener une existence plus paisible ; s'il doit regagner, lui, la Thrace, ce cher pays natal qui lui manque tant ! Et puis, il déteste être le chef, fonction ingrate et difficile : au sein des esclaves, il y a des dissensions, des rivalités ; il faut les faire taire. Par ailleurs, les anciens esclaves découvrent d'un seul coup la liberté : ils sont difficiles à mener, prêts à désobéir au nom de leur nouveau statut d'hommes libres. Finalement, acculé à l'extrême sud de l'Italie, dans le Bruttium, Spartacus sent que la bataille est perdue d'avance et décider de laisser la vie sauve à Gaius Fuscus Salinator, légat du proconsul Crassus qu'il a pourtant capturé mais avec lequel il passe un marché : sa vie contre son témoignage. Salinator sera le garant de la mémoire de cette guerre servile et des hommes qui sont morts pour leur liberté : grâce à l'aide d'Apollonia et de Jaïr Le Juif, il doit écrire cette page de l'histoire romaine. Ainsi, Spartacus est-il aussi convaincu de l'exemplarité de ce que lui et ces milliers d'esclaves ont accompli : il refuse de tomber dans l'oubli, il veut vivre sous une forme ou sous une autre en homme libre.

                Par ailleurs, le récit que nous propose Max Gallo est mené de manière dynamique : les phrases sont courtes, et bien souvent, rédigées au présent de narration qui permet d'insuffler plus de vie à toutes ces pages plutôt répétitives (j'y reviendrai). Par ailleurs, l'ensemble se présente comme un témoignage pris en charge par différents personnages survivants aux événements : Jaïr Le Juif, compagnon de Spartacus, Apollonia, la compagne de l'ex-gladiateur, le légat romain Salinator, mais aussi Posidionos le grec. Chacun raconte, à tour de rôle un épisode de cette épique guerre servile. Certes, Max Gallo n'a guère travaillé leur voix particulière : tous racontent les événements de la même manière, avec le même parti-pris pour Spartacus : même Salinator, le légat romain, reste admiratif devant le courage du leader de la révolte !

                Cependant, je dois dire que si je devais prendre un crayon et souligner le champ lexical de la violence dans ce roman, les pages seraient toutes bariolées de rouge-sang ! Scènes de pillages, de viols, de meurtres tous plus sanglants les uns que les autres, d'exécutions d'une cruauté raffinée… ce succèdent et s'enchainent de manière tellement rapprochée qu'on se demande vraiment pourquoi Rome est considérée comme une civilisation antique majeure ! Quels barbares, ces romains dont nous sommes issus bien plus que des gaulois ! (en tout cas, moi, c'est ainsi que je conçois les véritables bases de la culture française dont nous sommes si fiers d'affirmer la « gaulitude » !). Certes, je ne dis pas que le sang n'a pas coulé, dans les plaines, sur les arènes des jeux… mais je crois qu'il y avait quand même des moments de répit ! Le clou du spectacle ? La violence des femmes esclaves qui se sont jointes à Spartacus et qui ne savent voir un soldat romain sans devenir hystériques au point qu'elles sont plus redoutables qu'un glaive bien aiguisé !

                « Ils ont livrés quelques-uns d'entre nous à leurs femelles qui hurlaient. Elles ont enfoncé leurs crocs et leurs ongles dans les corps qu'on leur abandonnait. Elles ont crevé des yeux, coupé des sexes, écartelé, écorché. »

                Alors, bien sûr, je pense que Max Gallo exagère un peu. Je pense qu'il en rajoute plus d'une couche dans l'expression de la violence :

«Ils étaient près d'un millier et l'on pouvait imaginer leurs supplices. Crucifiés ? Jetés vivants dans un brasier ? Livrés à des chiens affamés ? Contraints de s'entre-tuer à mains nues ? Mutilés et laissés, avec leurs moignons sanglants, en pleine forêt, à la merci des loups et des rapaces ? ».

Je ne dis pas que ces pratiques n'ont pas existé dans l'Antiquité : je pense qu'elles restaient exceptionnelles, beaucoup moins fréquentes qu'on l'imagine, liées à certains événements - bien spécifiques, dont peut-être, la révolte des esclaves fait partie - et qu'on ne peut s'imaginer l'empire romain constamment parsemé de charniers en putréfaction !   

Finalement, j'ai plutôt hâte d'embrayer sur le tome 2 des romains : Néron, le règne de l'Antéchrist ; nous allons donc sauter un peu plus d'un siècle et nous intéresser bientôt à une autre figure sanglante de l'Histoire de Rome ! Il semble bien que Max Gallo soit fasciné par la violence, la folie, la démesure qui parfois ont pu caractériser Rome : cependant, je pense qu'on ne peut réduire Rome à cette seule folie, à cette seule violence. Cette civilisation regorge de sages, de philosophes, d'orateurs, de poètes… et d'administrateurs plus ou moins libéraux, plus ou moins tolérants, mais empreints d'un esprit éminemment rationnel. Max Gallo risque bien donc de tomber dans les travers habituels et réducteurs qui collent à la Rome antique, dès qu'on prononce son nom : les gladiateurs, les guerres (Jules César en Gaule et compagnie), les empereurs fous et tyranniques. Ainsi, même si le roman se lit facilement, sans ennui… il offre quand même une vision stéréotypée de Rome, ne serait-ce que par le choix du sujet, pas très original et un peu racoleur. 



23/03/2013
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