LECTURES VAGABONDES

      Quand je pense à Maxence Van Der Meersch, je me souviens surtout des dictées de l’école primaire. Injustement oublié, l’auteur a écrit de nombreux et d’excellents romans. Le plus connu d’entre eux, c’est sans doute La maison dans la dune, paru en 1932 aux éditions Albin Michel.

          Nous sommes dans le dunkerquois, à la frontière belge. Sylvain et son camarade César gagnent leur vie en fraudant du tabac. L’affaire est risquée car de nombreux douaniers vadrouillent dans la région, mais elle rapporte beaucoup d’argent. Les deux hommes se font aider par des chiens exercés qui transportent le tabac sur leur dos et connaissent par cœur les environs. Le chien de César est particulièrement doué : il s’appelle Tom. Sylvain est mariée à Germaine, une ancienne prostituée qui aime le luxe et l’argent. Cependant, cette dernière ne laisse pas indifférent le douanier Lourges. Jaloux, ce dernier aimerait bien pincer Sylvain pour avoir les coudées franches avec Germaine. Sa haine s’amplifie encore lorsqu’un jour, chez Fernand, le maître fraudeur, Sylvain lui flanque une belle raclée. Il faut dire que Sylvain est un ancien boxeur. Un jour, alors qu’il est en vadrouille à Furnes, Sylvain découvre une petite maison – sorte de café - qui abrite la plus douce et la plus jolie des femmes. Elle s’appelle Pascaline et le jeune homme ne tarde pas à tomber amoureux d’elle. Souvent, désormais, il se rend dans cette petite maison où Pascaline vit avec sa mère et se rend utile en accomplissant divers travaux. Un jour, alors qu’il est blessé à la jambe, Sylvain demande à son camarade César de passer le tabac à sa place. C’est alors que Lourges l’arrête et le met en prison ; c’est Fernand qui a dénoncé Sylvain à Lourges, cependant dépité d’être tombé sur un autre. Sylvain décide alors de laisser tomber la fraude pour vivre une vie honnête. Mais l’argent ne rentre plus et Germaine devient insupportable et jalouse de Pascaline. Désormais maîtresse de Lourges, elle pense à balancer son mari, dès qu’il se remettra à frauder. Et Sylvain ne tarde pas à replonger dans l’univers de la fraude et de l’argent facile. Mauvais présage, il découvre le chien Tom mort lors d’un passage de frontière. Mais qu’à cela ne tienne ! Le coup prévu aura bien lieu. Germaine ayant dénoncé son mari à Lourges, l’affaire se termine en bain de sang. Sylvain tue Lourges avant de s’enfuir dans les plaines, blessé. Il s’en ira mourir sur le seuil de la petite maison de Pascaline qui, au moment où il trépasse, dort encore.

          La maison dans la dune est un roman tragique où l’aventure et l’amour se conjuguent avec la mort. Ici se mêlent deux types d’amour qui également s’opposent. D’une part, il y a Germaine et Lourges qui s’éprennent l’un de l’autre et leur amour est sombre. Il est basé sur l’attrait physique, la trahison, la concupiscence. En effet, Lourges veut la peau de Sylvain, l’époux de Garmaine, et utilise, pour arriver à ses fins, les moyens de la délation et du chantage. Germaine, quant à elle, est une ancienne prostituée, vicieuse et vénale. Ce couple infernal génére la violence et la mort.

          De l’autre côté, se situe l’amour pur de Sylvain et de Pascaline. La jeune fille est joyeuse et innocente, voire naïve. L’amour qu’elle porte à Sylvain est rédempteur puisque pour elle, Sylvain est prêt à rentrer dans le droit chemin et vivre une vie honnête. Malheureusement, la rédemption est impossible et la mort signe l’échec de cet amour.

          Mais surtout, le roman nous fait entrer dans le monde de la contrebande de tabac. Parmi ceux qui vivent de cette fraude, il y a les douaniers, les passeurs mais aussi les chiens qui « montent » la marchandise. Ce monde comporte lui aussi, deux faces qui s’opposent : si entre César et Sylvain, une grande amitié fraternelle existe, chez les fraudeurs, il y a aussi des trahisons fatales. Le maître-fraudeur Fernand va trahir Sylvain alors qu’habituellement, il lui tape sur l’épaule.  

          Par ailleurs, les contrebandiers ont l’habitude de se retrouver dans des cafés et des estaminets plus ou moins bien fréquentés. Ainsi, la frontière entre la France et la Belgique est animée par ce type d’établissements. On distingue, là encore, deux types d’endroits. On y trouve aussi bien le petit café familial tenu par Pascaline et sa mère que le café de monsieur Henri et de madame Jeanne qui est, en réalité, un bordel où travaillait Germaine.

          Globalement, La maison dans la dune offre une vision noire de l’humanité. Nombreux sont ceux qui se laissent corrompre par l’argent facile lié à l’activité de la contrebande. En effet, nombreux sont ceux qui sont partagés entre la tentation d’une vie honnête et la facilité de gagner beaucoup d’argent en peu de temps. Et puis, chaque passage est une aventure avec tout ce que ce mot comporte d’adrénaline.

          Terminons par ce titre si joli : La maison dans la dune, c’est ce petit refuge de bonheur et de simplicité, de vie honnête dans un univers âpre et glacé où la violence et la corruption règnent. Un peu de douceur dans ce monde de brutes ! Malheureusement, il est bien trop petit pour contrebalancer la dureté de l’ensemble.