LECTURES VAGABONDES

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Murielle Renault : le strip-tease de la femme invisible / un sujet visiblement mal effeuillé


Entre la dictature de la minceur et la multiplication des tentations sucrées ou salées, difficile de garder un état d'esprit serein face aux kilos. L'apparence est d'ailleurs sans doute pour de nombreuses femmes (ou hommes) une préoccupation majeure si j'en crois la multiplication des émissions de téléréalité sur les sujets de l'obésité, de la boulimie ou de l'anorexie. Avec le strip-tease de la femme invisible, roman paru en 2008 aux éditions Le Dilettante, Murielle Renault tente une approche de tous ces sujets à la fois.

Mélanie est une adolescente mal dans sa peau : elle se trouve trop grosse et son complexe est démultiplié par une mère et une meilleure amie (Fanny) dotées d'une ligne superbe. Première tentative pour maigrir : régime… et reprise de tous les kilos. Nous retrouvons Mélanie à 25 ans : toujours ronde, elle peine à trouver l'âme sœur. Recherche sur internet et ses déboires… et puis Pascal arrive sur son beau cheval blanc et l'épouse. Cependant, Mélanie est devenue très grosse, ce qui l'empêche d'avoir un enfant. Elle décide de s'inscrire à l'émission Relooking Extrême et, comble de joie, elle est retenue au casting. S'ensuit une métamorphose suivie de près par les caméras. Mélanie est donc devenue mince. Cependant, elle se trouve toujours grosse et commence alors une période durant laquelle la jeune femme fait beaucoup de sport et mange très peu. Son couple en fait les frais, d'autant plus que Mélanie teste son sex-appeal sur de nombreux hommes. Finalement, la jeune femme ne saura s'extraire de la spirale de l'anorexie et décédera à l'hôpital à l'âge de 40 ans.

Il est vrai que le titre du roman, le strip-tease de la femme invisible, est excellent : accrocheur, énigmatique, il colle bien au projet de Murielle Renault qui est de montrer que lorsqu'on est obnubilé(e) par le paraître, on risque de perdre l'être : on devient donc un être invisible, perdu sous une couverture de peau et chair. Soulevons ces oripeaux, il n'y a rien, rien que du vide. Ce projet, il est vrai, est très ambitieux et l'auteure prend le risque de se perdre dans des arcanes psychologiques masturbatoires extrêmement ennuyeuses. Ce n'est pas le cas ici, le livre est plutôt agréable à lire… mais hélas, quelle superficialité !

Si vous avez déjà vu une de ces émissions de téléréalité traitant du sujet, les « tellement vrai », « c'est ma vie » et autres « confessions intimes », vous savez déjà tout sur le strip-tease de la femme invisible. Toutes les séquences y sont, il ne manque plus que la voix off destinée à ménager les transitions… Inexistantes dans le roman : ellipse de plusieurs dizaines d'années entre chaque partie, années pendant lesquelles on ne sait pas trop ce que fabrique Mélanie, à part grossir ou maigrir. En ce qui concerne les séquences stéréotypées qu'on trouve dans les émissions de divertissement voyeuristes, on trouve donc : la virée shopping cauchemardesque dans les magasins de vêtements, les séances chez le nutritionniste, le chirurgien esthétique, les conversations entre copines sur « Mélanie-trop-grosse/maigre », le couple mis à mal par l'obsession du poids de l'un des deux… Voilà, en gros, le contenu du roman.

Cependant, comme je l'ai déjà dit, l'ensemble se lit facilement, sans ennui. On appréciera même le passage sur l'émission Relooking Extrême, passage plutôt satirique sur le fonctionnement des émissions de téléréalité. Cependant, c'est cette émission qui fera basculer Mélanie dans l'anorexie, et si Murielle Renault propose bien une satire formelle de la téléréalité intimiste (casting, séquences programmées, scénario ficelé), elle n'en fait aucune satire de fond et le mal provoqué par ce type d'émission est à peine effleuré, puisque Mélanie, à la suite de son charcutage télévisé, est satisfaite, heureuse : super, donc, cette émission ! Ce n'est que bien plus tard qu'elle tombera dans l'anorexie.

Ainsi, Murielle Renault colle-t-elle de près au grand trash voyeuriste des émissions de téléréalité en proposant une héroïne qui fait bien plus que le simple yoyo décrié par tous les nutritionnistes anti-régimes : Mélanie passe par le bistouri, par l'obésité, par l'anorexie…  mais on ne sait pas trop ce qui se passe dans sa tête : rien, sans doute. Rien que l'obsession de l'apparence et le mal-être qui en découle. Le lecteur est cependant déçu par le manque de densité psychologique du personnage, encore aggravé par la maigreur de l'intrigue du roman.

Grossir, mincir : ah là là ! Quel tracas ! D'ailleurs, il est 12 heures 30 et je commence à avoir faim ! Je pense au pot de tarama qui attend dans mon frigo… et à toutes les heures de sport que je vais devoir m'enfiler pour l'éliminer. Heureusement que j'aime ça !  



20/10/2012
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