LECTURES VAGABONDES

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Pascal Bruckner : Mon petit mari/Un petit roman.

                Quelle serait donc la femme qui rêverait d’un homme beaucoup plus petit qu’elle ? Pas moi, en tout cas, qui suis très conventionnelle au niveau des fantasmes de tout poil… et je ne pense pas être un cas isolé ; peut-être une des raisons pour lesquelles les hommes petits souffrent souvent d’un complexe d’infériorité. Mais trêve de psychologie à deux balles et parlons plutôt du roman de Pascal Bruckner, paru en 2007 aux éditions Grasset : Mon petit mari.

                Léon, brillant médecin, épouse Solange, une belle, grande et plantureuse femme. Certes, il est plus petit que son épouse, mais la chose ne dérange ni l’un, ni l’autre. Jusqu’au jour où un fils – Baptiste – naît ; Léon perd plusieurs dizaines de centimètres. La vie continue malgré tout… jusqu’au jour où naît une petite fille, Betty. Léon perd encore quelques dizaines de centimètres, ce qui fait de lui un homoncule. Le jour où Solange accouche de jumeaux, le médecin qui soigne Léon découvre la raison de son rétrécissement : Léon rapetisse à chaque fois que naît un enfant. Il est trop tard : Léon a désormais la taille d’un doigt. Sa vie devient infernale : il ne sait plus se faire respecter de ses enfants qui le martyrisent, sa femme le met tantôt au rancard, tantôt le couve comme un petit porte-bonheur. Et puis, c’est sans compter tous les dangers qui guettent l’insecte qu’est devenu Léon dans un appartement qui n’est guère à sa dimension ! Solange finit par s’acoquiner avec le professeur Doublevou, l’ancien médecin de Léon. Tous deux décident d’éliminer Léon qui parvient à s’enfuir avec l’aide de la chatte. Mais en sortant de l’appartement, Léon retrouve sa taille normale. Trop tard ! Solange ne veut plus de ce petit mari. Léon quitte donc ce foyer qui l’a vu rétrécir au fil du temps, certain que de beaux jours l’attendent désormais.

Mon petit mari peut se lire, d’abord, comme une fable sur la place de l’homme dans la famille. On entend souvent dire que l’homme en tant que père ne pèse pas autant que la toute puissante mère. La fable de Pascal Bruckner illustre parfaitement ce malaise qu’ont certains pères au sien de leur famille. Aux yeux de Solange, Léon n’est plus qu’un jouet sexuel (ses organes reproducteurs sont longtemps restés de taille normale). Les enfants prennent dans la vie de Solange, la première place. Et puis, le père, c’est aussi celui qui incarne l’autorité. Quid d’un homme qui se sentirait mal à l’aise avec cette notion ? Mon petit mari, c’est l’histoire d’un père que ses enfants dépassent, qui ne parvient pas à asseoir son autorité auprès d’eux… la raison ? Il est plus petit qu’eux au niveau de la taille ! Arrive un jour où Léon est devenu si petit qu’il en devient inexistant aux yeux de sa famille : il ne vit plus dans leur monde, ne parvient même plus à communiquer avec eux car sa voix est devenue inaudible.

Il est cependant dommage que Pascal Bruckner n’ait pas davantage creusé les enjeux de la taille d’un homme à tous les niveaux : Léon se voit dans l’incapacité d’exercer sa profession du fait de sa minuscule taille, mais à aucun moment le thème du complexe de la taille vis-à-vis des autres hommes ne fait débat dans le roman. D’ailleurs, le rétrécissement de Léon comme métaphore de la place de l’homme au sein de la cellule familiale est également trop peu creusé. Très vite, Léon est un homoncule, et Pascal Bruckner s’amuse alors à multiplier les situations cocasses qui découlent de cet état, situations qui ne servent guère le sens de la fable. Ainsi, Léon voit ses déplacements dans l’appartement devenir problématiques. Solange lui offre donc une voiture miniature, puis un avion miniature, ce qui permet à l’auteur de développer des scènes de courses-poursuites dignes des plus fameux cartoons. Bof. J’ai apprécié très moyennement ces passages très « sports mécaniques ».

Finalement, l’homoncule se lie d’amitié avec la chatte Fanfreluche, il s’en sert comme moyen de locomotion, se retrouve dehors à aider une malheureuse mésange en proie aux attaques d’une corneille… bien entendu, lorsqu’il retrouvera sa taille normale, Léon s’occupera de la mésange aux ailes cassées. Manière quelque peu convenue et enfantine de signifier qu’entre petits êtres fragiles et éclopés, on s’entraide et que le petit Léon, au sein de sa famille, supportait les mêmes tourments que la mésange face à la corneille. 

Ainsi, mon petit mari est un roman original qui s’apparente au conte philosophique. Il amorce une réflexion sur la place du père et de l’homme au sein de la famille face à la toute-puissance maternelle. Cependant, l’ensemble est insuffisamment abouti. Peut-être, d’ailleurs, parce que Pascal Bruckner n’est pas suffisamment convaincu par la thèse qui soutient le roman ? Est-il vrai que le rôle du père soit à ce point insignifiant dans la famille ? Je ne le pense pas. Tout dépend de la personnalité de chacun. Voilà pourquoi, peut-être, la morale qui se dégage du roman ne fonctionne pas de manière générale – et le lecteur y est forcément sensible… et est peu convaincu - voilà pourquoi, le conte manque également de force argumentative.



18/06/2014
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