LECTURES VAGABONDES

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Patrick Dennis : Tante Mame / retour gagnant pour Tante Mame !


                J'ai découvert le personnage de Tante Mame il y a quelques années, à l'occasion de la lecture tout à fait vagabonde d'Autour du monde avec Tante Mame de Patrick Dennis. Ce roman n'est que la suite d'un premier que je viens de découvrir, qui a fait le succès de notre auteur et qui fut mis en scène à Hollywood et à Broadway dans les années 50. Ce premier roman, donc, s'intitule bien modestement Tante Mame et a été écrit en 1955 par Patrick Dennis. Il n'a été édité en France qu'en 1994 chez Salvy Editeurs et dernièrement, chez Flammarion.

                Patrick Dennis est orphelin… enfin, pas tout à fait : il a une tante assez inoubliable à laquelle il a été confié suite au décès de son père. Cette tante, c'est Mame. Excentrique, frivole, hype, un rien snobinarde, Tante Mame s'occupe de son neveu de manière extravagante : par exemple, elle le place dans une école plutôt anticonformiste où les cours se déroulent sous des rayons ultraviolets et dans le plus simple appareil. Mais Tante Mame, c'est aussi une éternelle amoureuse : entre les hommes qu'elle a eus, ceux qu'elle a désirés sans les avoir, ceux qu'elle a séduits sans tellement avoir envie d'aller plus loin… la liste est longue ! Et puis, Patrick Dennis, devenu adolescent, fera lui aussi son éducation sentimentale… Enfin, à l'âge adulte, il deviendra père… avec Tante Mame qui décidément fourre son nez partout !

                Tante Mame se découpe en 11 chapitres plus ou moins indépendants les uns des autres, classés cependant par ordre chronologique : nous suivons donc les aventures de Patrick Dennis et de Tante Mame pendant une vingtaine d'années. Le premier chapitre : « Tante Mame et l'orphelin », raconte les premiers contacts de notre héros avec une Mame assez extravagante, tandis que le dernier : « Le retour de Tante Mame », se situe au moment où Patrick est devenu un père plutôt conformiste… c'est alors que Tante Mame se mêle de vouloir mettre son nez dans l'éducation de Mike, le fils de Patrick. Entre deux, nous suivons les tribulations de ce couple assez peu conventionnel à travers la crise de 29 ou encore la guerre 39-45.

                Tante Mame, c'est avant tout une galerie de portraits assez savoureux, qui flirtent parfois avec la caricature, dans l'esprit de la comédie de boulevard. Tout d'abord, il y a l'inénarrable Tante Mame que l'on imagine bien avec son fume-cigarettes en écailles, ses grands gants de velours déroulés jusqu'au coude, ses boas aux longues plumes déployés à l'infini. Oh ! Chéri, Chéri ! Revoici Alice Sapricht revue et corrigée par Thierry le Luron. Tante Mame passe son temps à essayer des fringues voyantes et à prendre le thé avec des gens très comme il faut, ou un peu moins, dans le New York branché des années 30. Tantôt aveuglée par l'amour ou par son caractère superficiel enclin à la bienveillance, Tante Mame sait aussi être à ses heures, une vraie langue de vipère adepte des potins et des cancans, ou encore tout à fait clairvoyante lorsqu'il s'agit de débusquer les amours de mauvais aloi de son neveu. Bref, Tante Mame, c'est l'excentrique de service, tantôt naïve, tantôt lucide, délicieusement superficielle et pétillante comme le champagne Veuve Cliquot.

Autour d'elle, il y a surtout des méchants : ceux qui s'opposent à ses plans ou qui abusent d'elle. Ainsi Tante Mame est-elle aux prises avec le très conformiste Mr Babcock, l'administrateur des biens de Patrick, la très jalouse Sally Cato, ou encore la famille Upson, des nouveaux riches qui étalent naïvement leur bêtise et leur mauvais goût… avant de se laisser aller à l'antisémitisme le plus primaire. Tout comme dans Autour du monde avec Tante Mame, Tante Mame fait pétiller une galerie de personnages croqués sur le mode satirique : satire sociale du monde New Yorkais où le bon goût est parfois de très mauvais goût et flirte avec la bêtise liée au snobisme, satire des caractères qu'on peut y trouver : des excentriques, des conformistes, des parvenus, des parasites.

                A l'humour de la satire s'ajoutent les scénarii très théâtraux de chacun des chapitres qui peuvent se lire de manière indépendante, comme autant de petites saynètes pleines de surprises et de rebondissements : entre les gadins malencontreux, les quiproquos amusants, les heurs et les malheurs de nos héros sont racontés avec beaucoup de bonne humeur et d'entrain : on ne s'ennuie guère, lorsqu'on est en compagnie de Patrick et de sa tante.

                Certes, j'ai sans coute préféré Autour du monde avec Tante Mame qui réunit toutes ces qualités avec en plus, le piquant et l'exotisme du voyage à des moment de l'Histoire assez chargés. Ici, avec Tante Mame, nous sommes toujours en Amérique, bien souvent à New York et il faut bien dire que le milieu dans lequel évolue Mame et Patrick est assez peu secoué par les grands événements de l'époque : la crise des années 30 est vécue de très loin, la guerre également : ces deux grands moments de l'Histoire ne sont qu'une toile de fond bien légère dressée au détour de deux chapitres.

                Mais ne dit-on pas que c'est en forgeant qu'on devient forgeron ? Peut-être Autour du monde avec Tante Mame est-il meilleur que Tante Mame : cependant, si on aime l'esprit très années 50 des comédies de Billy Wilder, on adorera Tante Mame et sa galerie de grues vénales, de parvenus grotesques, de parasites sans scrupules croqués avec une légèreté qui n'est qu'apparente… Car si on s'amuse bien, c'est que la plume fait mouche ! 



22/06/2013
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