LECTURES VAGABONDES

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David Foenkinos : La Délicatesse ou comment s’évader pour quelques heures des indélicatesses de la vie.


Fichtre ! Pour une fois que je me fends de la lecture d'un roman qui vient de sortir ! d'un roman qui fait partie de la rentrée littéraire 2009 ! Loin de moi, cependant, la tentation de sombrer dans cette manie de la nouveauté et des modes, manie qu'on peut détecter sur certains blogs littéraires : non, ce n'est pas ici qu'on trouvera la critique de la trilogie Millénium (pour l'instant), du dernier Harry Potter ou encore celle des derniers polars de Fred Vargas. D'ailleurs, La Délicatesse, parue le 20 Août 2009 ne fait pas véritablement partie du top 10 de cette rentrée littéraire… il faut dire que lorsqu'on est face à Nothomb, d'Ormesson ou encore Patrick Poivre d'Arvor – plutôt à tort qu'à raison - on a du mal à passer à la télévision ! Malgré tout, la délicatesse fait son petit bonhomme de chemin  et reçoit, dans la presse, des critiques plutôt élogieuses. Il est vrai qu'une fois encore, David Foenkinos nous offre un roman tout à fait plaisant à lire : les pages se tournent comme par magie, et on a du mal à dire : « bonne nuit et à demain » à la délicatesse.

Nathalie rencontre François. Bonheur absolu. Mariage heureux, solide : aucune faille à l'horizon de ce couple parfait…. Sauf qu'un jour, François part courir, tandis que Nathalie lit un livre… c'est la dernière fois qu'ils se verront. François est renversé par une voiture et Nathalie marque la page du livre qu'elle était en train de lire. Désormais, il y a l'histoire lue avant le marque-page : elle s'arrête-là, l'histoire, pour Nathalie. Il lui faudra du temps pour reprendre le fil d'une vie amoureuse. Cependant, Charles, son patron est amoureux d'elle ….. sans succès. Et puis, un jour, Markus débarque au sein de l'entreprise : il est suédois et plutôt moche… pourtant, avec lui, peut-être…

C'est donc un thème assez douloureux que se propose de traiter David Foenkinos dans la délicatesse : comment tourner la page d'un deuil insurmontable ? Dans l'écriture et le traitement du thème, point de pathos, cependant, point de trop grande légèreté non plus. On est dans la subtilité du demi-ton qui aborde avec délicatesse les douleurs des amours perdues, et celles des amours incertaines.

Par ailleurs, on connaît déjà le goût de Foenkinos pour les notes à l'humour décalé inscrites en bas de page. Dans la délicatesse, il exploite tous azimuts le procédé : c'est ainsi qu'on trouvera aussi bien la recette du plat que les personnages sont en train de déguster au restaurant, les paroles de l'amour en fuite, la chanson de Souchon qu'ils écoutent dans la voiture ou encore la définition Larousse de la délicatesse. Le procédé est donc utilisé de manière variée, fantaisiste pour un humour bien dosé, et plein de légèreté. J'ai également apprécié la mise en incise de « la vie de Charlotte Baron depuis le jour où elle a écrasé François », à l'intérieur de la narration du deuil de Nathalie…. Le temps de ces quelques pages, on a l'impression de se retrouver dans le génialissime 21 grammes d'Innaritù.

Cependant, peut-être ferai-je ici montre d'un peu d'indélicatesse envers David Foenkinos… Qu'il me pardonne ! Mais si la première partie s'avère être d'une grande sensibilité, la seconde souffre de quelques lourdeurs dans le traitement du trio vaudevillesque : Nathalie/Markus/Charles. Foenkinos se complait peut-être un peu trop dans le portrait de Markus, sorte de clown blanc maladroit et un peu mélancolique…. Assez grotesque lorsqu'il tombe amoureux… une sorte de Pierre Richard tout droit sorti de je suis timide mais je me soigne. N'y aurait-il pas un peu de nombrilisme de la part de Foenkinos dans l'évocation de ce Markus-Scorpion ? Au point que l'auteur finit par faire de cet anti-héros un véritable héros de la séduction… au point aussi d'oublier de traiter avec un peu plus de profondeur le personnage de Charles, le patron : il fait preuve d'ailleurs de beaucoup d'indélicatesse envers ce dernier…. Et également envers tous les natifs du signe du taureau… implicitement lourdingues si j'en crois la petite note additionnelle en bas de page. Merci David !

Ainsi, quel est donc l'intérêt de cette scène Markus/Charles au restaurant sinon de rabaisser le superbe patron, et ses multiples « atouts-séduction », pour mieux glorifier le laid, maladroit et insignifiant Markus ?

Ainsi, David Foenkinos serait-il vraiment convaincu que toutes les femmes aiment immanquablement les hommes fragiles et farfelus ? Bof ! c'est à voir ! Peut-être les Nathalie ?

Cependant, que ces quelques petites remarques indélicates ne vous retiennent guère lorsque vous aurez la délicatesse entre les mains, car alors, vous passeriez à côté d'un moment plein de fraicheur et de fantaisie : un pur plaisir !

Note additionnelle : la délicatesse de David Foenkinos a été retenue pour 5 prix littéraires prestigieux : le Goncourt, le Renaudot, L'interallié, le Femina, le Médicis.

On croise les doigts pour David Foenkinos ! 





03/10/2009
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