LECTURES VAGABONDES

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David Lelait-Helo : Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri/Puisque petit ne deviendra pas grand !

 

          Voilà un titre qui pourrait annoncer un roman plein d’un sens de l’humour décalé ! Car quel enfant envisagerait ainsi sa future vie d’adulte ? devenir vétérinaire ou aviateur, quelle banalité ! Mais devenir Nana Mouskouri, il fallait y penser. Il ne nous reste plus qu’à découvrir qui est cet enfant qui déclare : Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri, roman écrit par David Lelait-Helo en 2016 et paru aux éditions Anne Carrière.

 

          Le petit David n’est décidément pas un enfant comme les autres. A l’heure où la plupart des garçonnets jouent aux cow-boys et aux indiens, lui aime se déguiser en fille, et tombe en extase devant la voix de Nana Mouskouri qui chante le générique de la série américaine L’amour en héritage. Désormais, il sait ce qu’il veut devenir plus tard :

Nana Mouskouri. Son fanatisme le pousse à acheter tous les disques de cette chanteuse, et à se procurer tous les documents qui la concernent. Ainsi la vie s’écoule entre la réalité et le rêve ; David grandit dans le monde imaginaire qu’il s’est fabriqué en compagnie de sa grand-mère qu’il adore par-dessus tout.  Cependant, à la fin de son adolescence, il se rend compte qu’il faut qu’il apprenne à être lui-même et non quelqu’un d’autre. Cela veut dire, entre autre, assumer son homosexualité. Et puis il y a les rencontres avec Nana Mouskouri qui devient une sorte d’amie lointaine qui reste le pilier de son monde imaginaire et protecteur.

 

          Le thème central de Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri, c’est la construction de soi. Comment un enfant mal dans sa peau et mal dans sa famille découvre et façonne, à travers la célèbre chanteuse d’origine grecque, sa future identité ; une identité différente car bien évidemment, il faut être un peu particulier pour avoir le désir de devenir Nana Mouskouri. Différent ? Pas tant que ça, puisqu’aujourd’hui, il est presque « tendance » d’être homosexuel et si l’on considère que l’homosexualité et les coming-out des uns et des autres sont monnaie courante, si l’on considère que Nana Mouskouri fait partie des icônes gay, alors on a l’impression de naviguer en plein dans les poncifs de la culture gay. Un garçonnet plus féminin que masculin, qui est attiré par les vêtements de femmes qui brillent, par le maquillage, qui se travestit, c’est une image d’Epinal de la gay-attitude. Ainsi, David Lelait-Helo entérine-t-il l’idée reçue qui amuse la galerie de l’homo type « la cage aux folles ». Cependant, le ton n’est ici, pas vraiment à la moquerie pas plus qu’il n’est à la hauteur de l’autodérision contenue dans le titre du roman.

          En effet, Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri est marqué par un lyrisme un peu saoulant. Il s’agit, pour David Lelait-Helo, de magnifier la vedette dont il est fan : Nana Mouskouri. Ainsi passe-t-il son temps à tresser des louanges à la beauté discrète de Nana, à sa sensibilité, à son goût pour la différence (elle porte de grandes lunettes là où les autres portent des lentilles), à la fêlure qu’il parvient à capter dans son émouvante personnalité. On finit par en avoir marre de bouffer de la « géniale Nana » qui n’en finit pas d’occuper toutes les pages de ce roman qui a toute l’apparence de l’autobiographie égocentrée.

          Et ce sera le dernier reproche que je formulerai contre ce roman : Quand je serai grand, je serai Nana Mouskouri est un roman totalement centré sur le nombril de l’auteur. Un peu normal, me direz-vous, si l’on part du principe que cette œuvre relève de l’autobiographie. Oui, mais pour qu’une autobiographie soit intéressante, il faut que le sujet soit un témoin de son temps, de la société dans laquelle il s’inscrit. Toutes les vies ne sont pas forcément intéressantes à raconter : la mienne, par exemple, ne l’est pas. Celle de David Lelait-Helo non plus.   Ce n’est pas parce qu’on est homosexuel et qu’on aime se travestir en Nana Mouskouri que la chose est digne de faire l’objet d’un roman. Autant lire, si on aime Nana Mouskouri, une biographie qui lui serait consacrée.

          Ceci dit, l’ensemble n’est pas mal écrit et je l’ai lu sans véritable ennui, mais avec un peu d’irritation. Quand j’aurai fini de lire ce livre, je serai finalement contente. C’est désormais chose faite.  

 



28/01/2019
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