LECTURES VAGABONDES

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Emile Zola / Comment on meurt.


Voici un petit recueil de nouvelles méconnues écrites par Emile Zola à la fin du XIXème Siècle, d'abord parues dans la presse de l'époque avant d'être aujourd'hui rééditées en 2011 aux éditions étonnants classiques de Flammarion.

Comment on meurt comprend en effet cinq nouvelles plutôt courtes dont le thème commun est la mort telle qu'on la vit dans différents milieux sociaux. Ainsi, la première, intitulée : la mort du riche se situe-t-elle dans le monde nanti et aristocratique du XIXème siècle. La seconde se situe dans la riche bourgeoisie, la troisième, dans la petite bourgeoisie commerçante (ces deux nouvelles ne portent pas de titre), la quatrième, intitulée : Misère, se déroule dans le milieu populaire ouvrier et pauvre de Paris ; enfin,  la mort du paysan a pour toile de fond la campagne près d'Angers et se situe dans le monde paysan.

Rien à dire sur la composition d'ensemble du recueil : le thème est cohérent, et Emile Zola a choisi de classer ses nouvelles suivant l'ordre décroissant de l'échelle sociale.

Par ailleurs, chaque nouvelle adopte la même démarche constructive : on commence par présenter les personnages dans le milieu qui leur est imparti, puis vient la mort de l'un d'entre eux, et enfin, son enterrement.

Sans doute, l'intérêt de ces nouvelles est-il de montrer comment on meurt selon la classe sociale à laquelle on appartient. Selon que vous serez riche ou pauvre, votre enterrement sera luxueux ou misérable, et votre agonie, plus ou moins douce, plus ou moins solitaire : les gens, autour de vous ne se préoccuperont pas des mêmes choses. La dimension satirique est importante dans comment on meurt… pour notre plus grand plaisir.

Dans la mort du riche, c'est le comte de Merteuil qui passe l'arme à gauche. Certes, il est entouré de médecins et de domestiques, mais sa femme qui vit dans des appartements séparés, vient à peine le voir. Si son enterrement est somptueux, si les voitures armoriées sont à foison, certaines sont vides et la plupart des gens présents cancanent sur le dos du mort ou parlent de leurs petits tracas quotidiens. La comtesse de Merteuil n'assistera même pas aux obsèques de son époux car elle préfère se reposer… et rêvasser à son amant.

Dans la seconde nouvelle, c'est Madame Guérard qui décède : bourgeoise et nantie - mais très avare – elle possède trois fils qui espèrent sa mort pour hériter. Ils n'attendront même pas que leur mère soit agonisante pour récupérer les loyers… et le reste… malgré leur peine. Et Zola de terminer par cette phrase terrible : « quand l'argent empoisonne la mort, il ne sort de la mort que de la colère. On se bat sur les cercueils ».

La troisième nouvelle nous introduit dans le monde de la petite bourgeoisie : celle qui travaille et amasse un petit pactole pour ses vieux jours : Adèle Rousseau n'a jamais eu une bonne santé. Lorsqu'elle se trouve mal, elle n'y prête d'abord point garde : c'est un peu plus dur que d'habitude, mais c'est comme d'habitude. Elle n'acceptera de se coucher que très tard… peu de médecins seront là pour ne pas gaspiller d'argent… tout sera fait à l'économie. Et puis, songe son mari, le  jour de l'enterrement, il faut fermer le magasin, ce qui est fort dommageable pour les affaires !

La nouvelle Misère est sans doute la plus émouvante car il s'agit de la mort de l'enfant  Jacquot qui décède d'une pleurésie. Dans le logement, il fait froid, il n'y a rien à manger. L'aide doit venir… trop tard. C'est sur le lit de mort de l'enfant que les parents pleurent tout en dévorant le pain et les saucisses qui devaient rendre quelques forces à Jacquot. Il sera enterré dans la fosse commune.

Enfin, la mort du paysan nous plonge en pleine campagne du centre Loire. Jean-Louis Lacour est vieux et ne s'est jamais reposé. Il meurt rapidement, plus ou moins de vieillesse et d'épuisement. Il meurt seul : les autres travaillent et Jean-Louis ne consent pas à ce qu'on s'arrête de vivre pour lui. Il meurt simplement, dans sa chambre, tandis qu'autour de lui, les bêtes et les gens continuent leurs activités. Il sera enterré dans un grand champ sauvage qui sert accessoirement de cimetière au village.

Comment on meurt est donc un excellent recueil de nouvelles dont on peut se délecter le temps d'un trajet de train au matin ou au soir, car il se lit en une ou deux heures. On sera sensible à l'étude sociale très fouillée, mais parfois un peu caricaturale : la plupart des nouvelles peuvent se lire comme l'esquisse d'un roman : Misère fait parfois penser à l'Assommoir, la seconde, à Pot-Bouille, la mort du paysan à la Terre. Mais ce qui retient le lecteur, c'est la réflexion, toujours d'actualité, sur la manière dont la mort est appréhendée par les autres : certes, des larmes, il y en a, mais pas une seconde, la vie ne s'arrête autour du mort. Le vrai recueillement n'existe pas : entre les cancans et les préoccupations matérialistes, la mort d'un autre ne suscite que très rarement la spiritualité des proches : on meurt… c'est tout.



11/05/2012
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