LECTURES VAGABONDES

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Franz-Olivier Giesbert : La cuisinière d’Himmler/Drôle de tambouille.

 

 

           Les fanatiques du IIIème Reich exercent encore un pouvoir de fascination et de répulsion sur nous. « Mais comment ont-il pu ? » se demandera-t-on toujours tant leur comportement dépasse la raison. Alors, quand Franz-Olivier Giesbert nous propose de rencontrer une des plus grande figure du nazisme par le biais de son intimité, on plonge… et on reste quelque peu sur sa faim, comme souvent avec FOG. Mais intéressons-nous donc à La cuisinière d’Himmler paru en 2013 aux éditions Gallimard.

 

           Rose est une centenaire épanouie. A Marseille, elle tient encore un restaurant nommé La petite Provence. Un jour, elle reçoit un faire-part lui annonçant la mort d’une certaine Renate Fröll et décide en même temps, de raconter sa vie dans un livre. Son ami, Samir La Souris, se charge de mener une enquête sur Renate. Mais plongeons d’abord dans le passé de Rose. C’est en Arménie, en 1907 que nait Rose en plein génocide. Les parents de notre héroïne en feront les frais. Rose se sauve donc en France où elle sera recueillie chez monsieur et madame Lempereur qui l’adoptent. Elle rencontre, dans les années 20, un ouvrier agricole nommé Gabriel qui deviendra son mari. Avec lui, elle aura deux enfants. Le couple s’installe bientôt à Paris, chez un oncle antisémite. Gabriel collabore donc à des œuvres peu recommandables tandis que Rose ouvre un restaurant : La petite Provence qui rencontre un certain succès…  A ses heures perdues, elle se rend à Trébizonde, en Arménie, pour liquider les meurtriers de ses parents. Lorsqu’éclate la guerre, Gabriel est soupçonné d’être juif. Certes, le couple bat de l’aile, mais malgré tout, la famille se cache près de Rose. Un jour, Himmler débarque dans le restaurant, trouve la cuisine de Rose à son goût et se lie avec la cuisinière. Cependant, Gabriel et les enfants ont été arrêtés, et Rose est bien décidée à utiliser ses relations avec Himmler pour les libérer. Elle part avec lui en Allemagne où elle s’occupe de cuisine, rencontre Hitler, se fait violer, tombe enceinte. Avec Himmler, les relations son troubles mais lorsqu’elle lui annonce qu’elle attend un enfant, l’homme s’éloigne d’elle. Et puis, l’horrible nouvelle tombe : Gabriel et les enfants sont morts à Dachau. Rose, désespérée, s’enfuit aux Etats-Unis où elle épouse Franckie Robarts et tient un restaurant à la sauce américaine. Après le décès de son mari, Rose s’enfuit en Chine où elle rencontre Liu Zhongling. Pendant plusieurs années, elle sera heureuse… jusqu’à la révolution culturelle lors de laquelle son mari, proche de l’ennemi de Mao Deng Xiaoping, se fait liquider. Ensuite, c’est à Marseille que Rose échoue. Elle règle son compte aux antisémites qui ont jeté la suspicion sur la judaïté de Gabriel. Elle s’en prend aussi aux communistes qui lui ont ravi son dernier amour, Liu. Mais : « qui est Renate Fröll ? » me demanderez-vous. La dame n’est autre que l’enfant issu du viol en Allemagne que Rose avait abandonnée dans un Lebensborn. Elle a eu un fils atteint d’Alzheimer précoce et qui meurt alors que Rose voulait faire sa connaissance. La vieille dame profite activement du temps qui lui reste à vivre : elle fait plus ou moins la loi dans le coin de Marseille où elle habite… gare aux fesses des petits délinquants qu’elle surprend en pleine mauvaise action !

 

           Une fois de plus, FOG nous prouve qu’il n’est pas un romancier bien sérieux…

           En effet, l’auteur nous livre encore une fois un roman mal construit et superficiel. L’action se déroule sur le XXème siècle qu’il prétend revisiter à travers un personnage – Renée – qui aura été témoin de toutes ses horreurs mais qui garde malgré tout sa joie de vivre.  C’est ainsi qu’on passe en revue d’abord le génocide arménien - de manière très superficielle – puis la montée de l’antisémitisme à travers le monde intellectuel de l’époque incarné par l’oncle de Gabriel. On s’attardera un peu plus sur la guerre 40, puisque le titre du roman y fait référence. Ainsi donc « qui étaient Himmler et Hitler ? » Nous n’en savons pas plus. Par ailleurs, on a bien l’impression que ces deux loustics sont plutôt des gentils un peu ridicules, puisqu’on apprend – si on ne le savait pas déjà – qu’Hitler était sujet aux flatulences. D’’Himmler, on apprend qu’il aime la cuisine de Renée et qu’il est un haut-gradé du IIIème Reich ; c’est à peu près tout. Ensuite, tout va très vite et si la première partie du XXème siècle est survolée, la seconde est littéralement bâclée. Après un petit détour de quelques chapitres aux USA pour faire connaissance avec la malbouffe, on atterrit en Chine pour un dernier grand amour et deux ou trois considérations sur Mao et le communisme. Et FOG de terminer par une petite bibliographie du XXème siècle mêlant romans et ouvrages historiques. Quelle bonne idée de venir ainsi en aide au lecteur qui a vraiment l’impression d’avoir lu un ouvrage inconsistant sur tous les plans !  S’il lui prenait l’envie d’approfondir, il est sauvé !

           Ce sentiment d’inconsistance est aggravé par le fait que La cuisinière d’Himmler est un roman très mal construit. D’abord, il y a déséquilibre dans le traitement des deux moitiés du XXème siècle. Déséquilibre également dans le traitement de la vie de l’héroïne principale : l’histoire d’amour avec Gabriel tient la plus grande partie du roman. Des deux autres hommes de sa vie, on retient seulement que l’un était américain, l’autre, chinois. Pourtant FOG présente ces hommes comme ayant compté dans la vie de son héroïne. On se demande, par ailleurs, pourquoi FOG a voulu mêler à cette trame narrative mal équilibrée, une seconde ficelle concernant cet enfant issu d’un viol et confié à un Lebensborn. De cette enfant, on apprend qu’elle est décédée et que son fils va mourir d’un Alzheimer précoce, ce qui donne lieu à une scène dont on se demande à quoi elle sert : Renée va voir son petit-fils délirer sur son lit d’hôpital. Ensuite, on n’en parlera plus. Cette queue de poisson qui se termine en cul-de-sac est du plus fâcheux effet.

          Par ailleurs, il semble bien encore une fois que FOG se serve de son roman pour faire passer ses propres idées et ses propres centres d’intérêt. Ainsi, l’héroïne principale sert-elle de porte-parole à notre auteur, ce qui lui coupe les ailes. Renée est donc une passionnée de cuisine et de bonne bouffe. Elle lance quelques diatribes contre les mangeurs de viandes. Et puis, on ne peut pas dire que FOG porte le communisme dans son cœur. Il voue à Sartre une haine pugnace et brosse du philosophe un portrait au vitriol : résistant de la dernière heure, esprit boursouflé de suffisance, sans doute intelligent mais totalement aveuglé par des doctrines figées qui le rendent finalement bête.  Seule Simone de Beauvoir trouve grâce aux yeux de FOG qui paraît parfois avoir conçu ce roman pour lui rendre une sorte d’hommage (maladroit, certes).

           Pourtant, malgré tous ces défauts, La cuisinière d’Himmler est quand même un roman agréable à lire et divertissant. Il est empreint d’une belle énergie et d’une certaine truculence. Voilà pourquoi, je recommande malgré tout ce livre anti-déprime. Voilà pourquoi je n’en ai sans doute pas fini avec FOG et qu’il va encore entendre parler du pays sur ce blog ! Notre auteur déplore le fait que n’importe qui se fait aujourd’hui critique et que c’est là une activité réservée aux médiocres, aux écrivains ratés. A cela je réponds par cette célèbre phrase de Beaumarchais – si jamais FOG se retrouvait à lire cet article ! – « que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ».

 

 

 



26/03/2017
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