LECTURES VAGABONDES

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Gaël Chatelain : les solitudes additionnées / roman à soustraire.


Le thème de la solitude générée par l’impitoyable monde moderne est une scie sur laquelle se jettent les auteurs en mal d’inspiration et il est vrai qu’on trouve très peu de bons romans sur le sujet. Gaël Chatelain, avec les solitudes additionnées, roman paru en 2008 aux éditions Michel Lafon, n’échappe guère à la règle et ajoute donc, sa petite musique inutile à une partition déjà bien longue.

Isabelle a 33 ans, elle est médecin, célibataire. Tous les jours, elle prend le métro et observe les habitués qui sont presque devenus, pour elle, une sorte de famille. Un jour, l’un d’entre eux – l’homme au Palm Pilot – se lève et pousse une gueulante pour sensibiliser les gens au sort de Gérard, un SDF habitué de la ligne. Isabelle est intriguée par cet homme qui, d’un coup, s’est levé afin de faire un peu reculer l’indifférence générale. Cependant, elle reprend sa vie : ses consultations, ses rencards avec Sophie, sa meilleure amie qui, depuis quelques temps, semble amoureuse d’un certain Ronan. Sans compter sa propre sœur, Charlotte, qui décide de quitter son terne mari et sa vie monotone pour un certain Ronan. Un jour, l’homme du métro lui confie son journal intime… et se jette sous la rame. Il s’appelait Ronan. Isabelle ouvre donc le journal de cet inconnu et découvre sa triste vie.

Ainsi, le roman se construit en deux parties : une partie consacrée à la vie d’Isabelle, conçue comme un journal intime, une partie consacrée au journal de Ronan qu’Isabelle lit.

La première partie se présente comme une sorte de monologue intérieur : Isabelle raconte ses impressions sur les gens qu’elle rencontre dans le métro, ses faits et gestes journaliers. L’ensemble n’est pas très intéressant : Isabelle se livre à des suppositions concernant les gens qu’elle rencontre et ses remarques ne dépassent guère le niveau du ragot de concierge du style « celui-là, il a dû encore mal baiser cette nuit pour avoir cette tronche ». Pour le reste, Isabelle passe un temps fou avec Sophie, sa meilleure amie : les deux femmes se racontent leur vie amoureuse, occasion pour Gaël Chatelain de brosser deux portraits de femmes  en opposition, portraits totalement caricaturaux et tout droit issus des « romans pour nous les filles ». Sophie collectionne les aventures d’un soir, elle s’éclate ! Mais bien sûr, elle est si seule ! Dans le fond, c’est le grand amour qu’elle cherche… Isabelle est beaucoup plus sage : elle ne s’envoie pas en l’air avec n’importe qui et attend le bon numéro. Inutile de s’attarder trop longtemps sur la qualité des dialogues niveau collection Harlequin : « Ah ben moi, j’attends le grand amour et j’y crois »/ « Ah ben moi je fais comme les mecs, je m’éclate au plumard, je prends du bon temps ».

Dans la seconde partie, nous abandonnons totalement Isabelle puisqu’il s’agit ici de lire le journal intime de Ronan, l’homme du métro qui s’est ainsi confié à elle avant de se suicider. Ce qui sauve le roman de l’indigence totale, c’est sans doute la première partie de cette seconde partie : Ronan résume l’ensemble de sa vie de manière assez distanciée, ironique et désabusée, ce qui nous donne quelques pages agréables et vives qui proposent une satire du monde du travail, du mariage, de l’expérience de devenir père… Cependant, le lecteur arrive assez vite au moment où Ronan rencontre Isabelle dans le métro : c’est alors que la narration redevient de type « journal intime consacré aux faits et gestes du quotidien », c’est alors, également, que le roman retombe dans l’indigence. Ainsi, après un mariage raté, une grande passion plutôt platonique, Ronan entreprend de draguer simultanément Sophie et Charlotte, respectivement, la meilleure amie et la sœur d’Isabelle. Il rencontre d’abord Sophie, une bombe qui l’attire beaucoup… Tout commence par ces quelques jours pendant lesquels Ronan raconte toutes les manœuvres idiotes qu’il met en place pour se mettre sur le chemin de la belle : je passe sur l’humour à deux balles de ces passages sans aucun intérêt… et très longs ! Dieux ! Que c’est long ! Et puis, finalement, Sophie ne lui plait pas plus que ça. Il jette son dévolu sur Charlotte… et puis bof, aussi. En fait, notre loustic est dépressif et ne supporte plus William Leymergie et son incontournable super sourire matinal ! Autres pages pleines d’humour à deux balles et sans aucun intérêt.

Je passe sur toutes les aberrations de l’intrigue : Ronan, l’inconnu du métro qu’Isabelle croise tous les jours, se révèle être, par hasard, le nouveau petit ami de Sophie et de Charlotte, personnes très proches de notre héroïne ! Ça fait un peu beaucoup de coïncidences, à mon avis… Ensuite, le fameux Ronan donne son journal intime à une inconnue avant de se suicider : geste non motivé, totalement farfelu et incompréhensible, selon moi. Je passe également sur le pathos bien lourd de la fin : Ronan confie à Isabelle, l’inconnue du métro, ses dernières volontés ! Fichtre ! « A mon fils, vous direz que je l’aime, que je n’ai pas été un bon père, etc… » Bref, Toute une litanie bien pleurnicharde et assez indigeste.

Somme toute, que veut montrer ce très mauvais roman ? Que chacun est seul dans ce monde, qu’on cherche tous le grand amour, pour échapper à la solitude, mais que le grand amour est bien difficile à trouver, qu’il est un leurre, que nous sommes des êtres instables, soumis aux intermittences du cœur (car Ronan a aimé son ex-épouse avant de ne plus l’aimer, de lui préférer un amour de jeunesse, qui lui file entre les pattes, avant de s’intéresser à d’autres et de se rendre compte qu’il aime encore son ex-femme). Enfin, à travers le sourire imperturbable de William Leymergie, c’est le jeu social qui est pointé du doigt : il faut avoir l’air heureux devant les autres, en société… Il faut renvoyer l’image du bonheur même lorsqu’on est très malheureux. Voilà, en gros, le message de Les solitudes additionnées… Un message finalement très simple et très banal, mais que le roman peine à faire passer tant la situation est d’un bout à l’autre du roman, peu plausible, tant l’ensemble est caricatural et stéréotypé, tant le roman laisse place quasiment constamment à des propos sans intérêt, qui se veulent désabusés, mais qui ne sont finalement que très plats… Eh quoi ? Quel est l’intérêt de raconter sa vie, avec tout son train-train, minute par minute ? « Mercredi, 6 heures du matin : bing ! Réveil matin. Zouh ! Debout ! 7 heures 15 du matin, je file dans ma vieille Clio qui n’apprécie pas que je la tire du garage par ce mois de Février glacial… » Stop ! Vous demandez déjà grâce ! Alors, pour sûr, je vous déconseille le détour mortel par ce roman de Gaël Chatelain : Les solitudes additionnées.



14/04/2012
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