LECTURES VAGABONDES

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Guillaume Musso : la fille de papier / à nous rendre tous papivores !


                Il suffit de lire la correspondance de Flaubert avec Louise Collet pour se rendre compte à quel point les rapports entre l’écrivain et ses personnages sont affectifs « Ma Bovary me casse les pieds » écrit-il à propos de son roman Madame Bovary. Il n’est pas rare non plus qu’un écrivain tombe amoureux d’un des personnages qu’il crée. C’est ce thème que Guillaume Musso a choisi d’exploiter dans son roman : la fille de papier, paru en 2010 aux éditions XO.

                Tom Boyd est l’écrivain d’une trilogie à succès : la compagnie des anges. Cependant, la parution du troisième tome est largement compromise : Tom vient de rompre avec la pianiste Aurore Vallancourt et ne parvient pas à sortir d’une sévère dépression. Il vit comme un zombie dans sa superbe villa de Los Angeles, entre tranquillisants et alcool. Ses meilleurs amis - son attaché de presse Milo, et Carole, flic au LAPD - tentent de lui redonner goût à la vie. Cependant, les ennuis s’accumulent : Tom et Milo sont ruinés à cause de mauvais placements ; quant au tome 2 de la trilogie, il est victime d’une malfaçon : seules les 266 pages sont imprimées et l’histoire se finit ainsi : « hurla-t-elle en tombant ». Il va falloir récupérer tous les exemplaires et les pilonner. Une nuit, alors qu’il est sujet à une atroce migraine, Tom a la surprise de se retrouver devant Billie, personnage qu’il a créé et qui déclare être tombé du tome 2. Incroyable histoire ! Cependant, la jeune femme finit par convaincre Tom et lui offre un deal : elle l’aide à retrouver son grand amour, Aurore, et il lui écrit une belle histoire d’amour avec Jack, le salaud dont elle est amoureuse dans la trilogie. Et vogue la galère : direction le Mexique où Aurore file le parfait amour avec son dernier amant. Mais n’oublions pas Milo et Carole, qui ne veulent pas lâcher leur ami et se lancent à ses trousses. Au départ, tout semble aller pour le mieux : Aurore semble s’intéresser à nouveau à Tom. Cependant, Billie tombe malade : elle vomit de l’encre, ses cheveux blanchissent : là-bas, aux Etats-Unis, 99 999 exemplaires du tome défectueux viennent d’être pilonnés. Il en reste donc un seul en circulation, et il faut impérativement le retrouver pour empêcher Billie de mourir. Par ailleurs, Tom n’a plus le choix : Billie doit retourner vivre dans son univers, la trilogie des Anges ; il lui faut donc sans tarder reprendre la plume s’il veut sauver son héroïne. Billie est hospitalisée tandis que Milo et Carole se lancent à la recherche de l’exemplaire rescapé du pilonnage, et que Tom se remet à l’écriture. Tout se terminera bien pour Billie qui disparaîtra par un beau jour de Noël. Cependant, Tom a le cœur brisé : la séparation est douloureuse. Puis vient le jour où Milo avoue la vérité à son ami : Billie n’est pas une fille de papier ; elle n’est qu’une actrice de seconde zone – Lilly -  qu’il a engagée pour tenter de rendre goût à la vie à l’écrivain. Reste à la retrouver. La fille de papier se terminera donc sur un happy end.

                Avec la fille de papier, Musso signe une œuvre à l’intrigue plus lente, moins trépidante que celles des autres romans que j’ai pu lire de cet auteur. Pourtant, c’est toujours avec autant de plaisir que j’ai plongé dans l’histoire de Tom, Billie et tutti quanti, car si les rebondissements sont plus légers, moins tonitruants, ils restent suffisants pour maintenir le lecteur en haleine jusqu’au bout.

                D’abord, du début à la fin, le lecteur se demande si Milo, l’ami de Tom, n’est pas un traître. C’est lui qui a dilapidé la fortune de Tom en plaçant l’argent chez Madock, c’est lui qui a cherché à interner son ami pour le rendre dépendant de lui. Quant à l’intrigue amoureuse, elle n’est pas très nette : trois femmes sont susceptibles de plaire à Tom. Il y a Aurore, celle qu’il a aimée au point de sombrer dans la dépression et pour laquelle il se rend au Mexique ; il y a Carole, sa tendre amie d’enfance qui partage avec elle un tendre secret qui sera révélé à la fin, mais dont le lecteur se demande s’il ne s’agirait pas d’un ancien amour prêt à ressurgir à n’importe quel moment ; enfin, il y a Billie, pleine de joie de vivre, provocante et provocatrice, avec laquelle Tom noue des liens de plus en plus intimes. Laquelle de ces femmes emportera le cœur de Tom ? C’est la question que se pose le lecteur pendant une bonne partie du livre.

Mais cette intrigue, somme toute assez linéaire est émaillée de chapitres où l’on rencontre les personnages qui détiennent l’exemplaire qui n’a pas été pilonné et qu’il faut à tout prix retrouver pour sauver Billie. Le livre nomade fera le tour du monde, passant de poubelles en rayonnages de librairie, se retrouvera en vente sur EBay, pour finir – enfin presque ! – jeté dans un canal, comme un cadavre. Ainsi, l’intrigue est démultipliée par toutes ces tranches de vie de personnages tantôt cyniques, tantôt douloureux, tantôt vénaux, qu’on prend et qu’on quitte aussitôt puisque cette chaine humaine est construite selon le fil conducteur du livre nomade.

Par ailleurs, même si elle est un peu tirée par les cheveux, j’ai trouvé la révélation finale inattendue et originale : certes, il a fallu que Billie tombe réellement malade pour que le stratagème fonctionne et bien évidemment, cette improbabilité s’est réalisée ! Mais peu importe ! La couleuvre passe plutôt bien, comme toujours chez Musso.

Ainsi, la fille de papier offre une intrigue inattendue et intéressante - une histoire d’amour entre un écrivain et son personnage - que Musso décline de manière très romanesque et très bien ficelée. J’attends avec impatience de lire un autre roman de cet auteur que j’ai du mal défendre devant des amis ou collègues intellos… qui ne l’ont de toutes manières jamais lu.



06/07/2012
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