LECTURES VAGABONDES

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Jacques Chessex : le vampire de Ropraz / un petit roman vampirisant !


En ce jour de fête des mères, je vous propose de découvrir un petit roman qui n’a rien de bien festif ! Le vampire de Ropraz, écrit par Jacques Chessex et paru en 2007 aux éditions grasset est en effet une de ces œuvres qui font froid dans le dos.

En plein hiver 1903, Rosa Gillieron meurt d’une méningite à Ropraz, dans le Haut-Jorat vaudois. Quelques jours plus tard, on retrouve la tombe ouverte : le cadavre a été dépecé et violé. Horreur, stupéfaction. A Ropraz et dans les villages des alentours,  c’est le grand retour des superstitions et de la hantise des vampires. Très vite, à Carrouge et à Ferlens, près de Ropraz, deux autres profanations aussi horribles sont commises. On mène l’enquête. Le suspect se nomme Favez. C’est un jeune garçon d’étable qu’on a surpris en train de forniquer avec une génisse. Le malheureux sera interrogé puis emprisonné, avant d’être condamné à perpétuité à demeurer dans un asile psychiatrique… d’où il parvient à s’échapper quelques années plus tard. Il mourra dans les tranchées de la guerre 14/18. Son corps serait celui du soldat inconnu…

L’œuvre se présente comme un fait divers réel. Je n’ai fait aucune recherche : je ne sais donc si ce qu’a écrit Chessex est vrai ou non… Je pense qu’il s’est basé sur des informations et des légendes qui courent vraiment. Mais ce n’est pas ce qui importe !

A travers cette histoire macabre, c’est toute la mentalité des campagnes du début du siècle qui surgit peu à peu. Au départ on est horrifié, on prend parti pour les habitants de Ropraz, on s’insurge contre cette profanation des tombes assez inexplicable. Peu à peu, c’est autour du personnage de Favez que le roman se cristallise. A travers son histoire personnelle, c’est un peu l’histoire cachée des habitants de la région qui est mise à nu. Le malheureux est en effet un enfant maltraité : ses parents sont violents, alcooliques. Il est placé dans plusieurs familles où les maltraitances, particulièrement d’ordre sexuel, continuent. C’est alors que le lecteur se sent déboussolé. On ne sait pas si Favez est oui ou non l’auteur des profanations, mais on ne peut plus lui en vouloir. Il est de fait, l’auteur d’un viol. Il se commet, de fait, avec des animaux. Mais peut-il en être autrement lorsqu’on a connu pareille éducation ?

A travers l’histoire de Favez, c’est le procès des campagnes que Chessex nous demande de faire.  Nous sommes dans un monde où la frustration sexuelle donne lieu à toutes les perversités possibles. On viole les plus faibles, on se soulage n’importe où, avec n’importe quoi, parce que les repères moraux en la matière sont plus que flous. Tout en haut, il y a les notables qui jugent, tout pétris qu’ils sont de religion… Ils sont en rupture avec le monde pauvre des paysans. Ils ne veulent pas voir, ni comprendre : ils veulent punir.

Avec ce roman, je me trouve un peu mal à l’aise. Mes grands-parents paternels étaient paysans et je sais, pour avoir un peu côtoyé ce monde dans ma jeunesse, que les mœurs, à la campagne sont sensiblement différentes de celles de la ville. A ce point-là… Je n’irai pas jusque là et je me demande où commence la part de fantasme de Chessex en ce qui concerne le monde des campagnes françaises, même au début du siècle. Certes, on imagine bien ce que la pauvreté, l’absence d’éducation, la misère, peuvent avoir comme conséquences au niveau moral… De là à faire d’un simple paysan un vampire qui  va jusqu’à manger les organes génitaux des femmes décédées, il y a un pas que je ne franchis pas… Chessex ne le franchit pas lui-même totalement : il laisse son lecteur dans le doute… Mais quand même ! Il suggère de manière assez claire à la fin la culpabilité de Favez… De toutes manières, il n’y a eu aucun autre suspect, alors ?

Ceci dit, j’ai beaucoup aimé de roman à l’écriture puissante, à la thématique qui rappelle parfois celle de Philippe Claudel… Ceci dit aussi, c’est un roman très court, qui mériterait d’être davantage développé, car le sujet des mentalités campagnardes est suffisamment complexe et ne souffre pas d’être traité en une centaine de pages.

Enfin, même si le roman de ce week-end festif est jonché de violence et de mutilations macabres, je souhaite une bonne fête à toutes les mamans qui me lisent… et à la mienne en particulier que je m’apprête à aller embrasser sans la mordre en aucune façon !



30/05/2010
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