LECTURES VAGABONDES

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Jacques Chessex : un juif pour l’exemple/un roman pour l’exemple ….


Voici un roman qui mériterait sans doute mieux que la catégorie « plaisant », mais décidément, je ne puis me résoudre à le placer ailleurs tant ce roman de Jacques Chessex : un juif pour l'exemple paru en 2009 aux éditions Grasset est court et finalement, par là, il tombe dans l'insignifiance.

Nous sommes en Avril 1942, dans une Europe jetée à feu et à sang par la guerre d'Adolf Hitler. L'action se situe en Suisse, pays neutre, plus particulièrement dans le bourg de Payerne, réputé pour sa charcuterie. Là, le chômage et la misère aiguisent la haine ancestrale du juif. Autour d'un garagiste, Fernand Ischi et du pasteur Lugrin, s'organise un complot anti-juif. Il faut une victime : un juif pour l'exemple. Ce sera Arthur Bloch, le marchand de bestiaux.

Le roman se décompose en trois parties. Jacques Chessex pose d'abord avec précision l'atmosphère antisémite qui ronge Payerne : il dresse minutieusement les portraits de leaders d'extrême-droite particulièrement virulents : Fernand Ischi, violent jusqu'avec sa maîtresse qu'il humilie lors des ébats amoureux, le pasteur Lugrin, pasteur particulièrement doué dans la diatribe antisémite, Georges Oltramare obsédé par la victoire de l'Allemagne nazie. La plupart de ces tristes sires sont inscrits depuis plusieurs années au Mouvement National Suisse.

Ensuite, Jacques Chessex nous plonge dans l'action la plus sombre : celle de la traque et de la mise à mort d'Arthur Bloch, lors d'une foire aux bestiaux à Payerne. Ce passage est particulièrement cru et révoltant : il s'agit en effet d'attirer Bloch dans un endroit retiré du bourg, de le battre à coups de barre de fer jusqu'à ce que mort s'ensuive, de le découper comme un vulgaire bestiaux afin de faire disparaître le cadavre dans la rivière.

Vient enfin la troisième partie : l'enquête et le procès des criminels. Ces deux aspects de l'histoire sont racontés très rapidement : Chessex ne s'y attarde guère.

Ce roman a donc comme principal intérêt de dénoncer la bêtise et l'horreur liés à l'antisémitisme. Il dresse un tableau assez précis des mouvements pronazis qui gangrènent la Suisse de manière souterraine. L'écriture de Chessex se fait froide et diagnostique. Certes, il porte un jugement sévère sur les hommes qui ont mis à mort Arthur Bloch, mais il se contente de rapporter des faits sous forme de chronique ce qui donne à cette œuvre un aspect « antiroman » : nous sommes davantage ici en présence du témoignage de Chessex qui avait huit ans quand les faits relatés dans ce livre ont eu lieu.

Par ailleurs, l'ensemble se lit de manière rapide : une bonne demi-heure m'a suffit pour lire  l'intégralité de l'œuvre. Une demi-heure, certes, assez intense, mais qui laisse un goût d'inachevé et d'inabouti : car enfin, faire le portrait d'un personnage ne suffit pas à le faire vivre, à lui donner de l'épaisseur. J'étais sans doute dans l'attente d'un roman où la psychologie aurait été plus fouillée, où l'enquête aurait pu donner lieu à du suspense et à des rebondissements. Ces attentes-là furent déçues. Sans doute Chessex n'a-t-il pas voulu romancer l'horreur : le résultat est une œuvre frappante, mais qui hélas ne laisse pas grande trace dans la mémoire du lecteur… J'ai lu un juif pour l'exemple il y a une semaine, et j'ai presque dû le relire pour écrire cet article. C'est bien dommage en vérité, mais il semble que Chessex soit aussi un spécialiste du roman ultra-light… Voilà pourquoi, pour l'exemple, son œuvre se retrouve ici dans la catégorie « assez plaisant », car je pense qu'en matière de roman court, il y a des limites à ne pas dépasser.



05/07/2010
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