LECTURES VAGABONDES

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Jean-Philippe Toussaint : Faire l’amour/Faire caca.


 

Allons-y, allons-o. Je m’en vais éreinter un livre qui, sans doute, ne mérite pas tant de haine ! Mais ne voilà-t-y pas que Jean-Philippe Toussaint (c’est le troisième livre que je lis de cet auteur) sombre, - en 2002 avec son roman : Faire l’amour - dans cette tendance exécrable de la littérature actuelle : se regarder le nombril, gloser de manière très sérieuse (et ennuyeuse) sur des queues de poire et utiliser le truchement d’une écriture talentueuse pour donner un semblant de profondeur à l’ensemble.

Le refus de l’intellectualisme et l’humour pince-sans-rire de Jean-Philippe Toussaint ne sont malheureusement plus de mise dans ce roman décidément ennuyeux.

Nous sommes à Tokyo, dans un hôtel grand luxe. Le narrateur et sa petite amie, Marie, vivent les dernières heures de leur histoire d’amour. Ils le savent. Ils font donc l’amour (logique ! c’est bien évidemment ce qu’on fait quand on se sépare!). Mais un fax interrompt leurs ébats au moment où ils allaient atteindre le coït ! (Flute alors!). Le narrateur va donc se baigner dans la piscine de l’hôtel ; ensuite, le couple va faire un tour dans Tokyo by night. Le lendemain, Marie reçoit des hommes d’affaires pour une réunion de travail. Le narrateur passe le reste de sa journée à errer dans Tokyo, sa banlieue, et plus loin encore… il rentre finalement et balance de l’acide sulfurique sur une fleur en signe de désespoir muet… The end !

Que dire de cette trame narrative ? Pas grand-chose, et d’ailleurs, on sait que ce n’est pas là que réside l’intérêt d’un roman de Jean-Philippe Toussaint. C’est pourquoi je me garderai bien de porter un quelconque jugement sur le thème général de cette œuvre qu’on peut quand même résumer ainsi : faisons-l’amour-avant-de-nous-dire-adieu-comme-si-c’était-la-première-fois-encore-une-fois-toi-et-moi-puisque-l’amour-s’en-va.

Bien entendu, Faire l’amour est un roman déchirant… à peu près autant que la chanson de Jane Manson… surtout quand on va se dire adieu ! la chose prend alors là, évidemment, un sens métaphysique à côté duquel il serait tellement dommage de passer !

D’ailleurs, le narrateur et Marie - n’ayant pas réellement fait l’amour avant de se dire adieu - ne finissent-t-il pas la nuit en haut d’un building, à explorer du regard la nuit sur la ville de Tokyo illuminée de néons vibrants et colorés…  tout en se laissant aller à d’autres explorations manuelles un peu plus intimes.

« J’avais enfoncé la main dans son slip et je sentais maintenant sous mes doigts la douceur humide et électrique de l’intérieur de son sexe qui se contractait sous ma main, le jour se levait et je la désirais très fort moi aussi maintenant, je me collais contre elle dans les clartés du jour naissant, je caressais son sexe, je pétrissais ses fesses. Le jour se levait sur Tokyo, et je lui enfonçais un doigt dans le trou du cul ».  

Sympa, les ruptures avec Jean-Philippe Toussaint ! N’empêche qu’il fallait oser le pondre, le roman adapté de la chanson de Jane Manson ! Pour ça, bravo !

Sinon, on s’ennuie ferme derrière les pages de ce roman qui défilent sous les yeux à la manière d’un film de Wim Wenders : on lit quand même, et si l’attention n’y est pas toujours, on se dit que c’est pas grave, vu que ça raconte rien… et puis, on va quand même jusqu’au bout parce que décidément, il y a quand même quelque chose d’envoûtant, de confortable dans cette torpeur veloutée qu’on finit par ressentir lorsqu’on se laisse prendre au fil de l’écriture tortueuse de Toussaint.    

Il me semble que Jean-Philippe Toussaint a trouvé un concept d’écriture, une recette de cuisine qui marche et qu’il  ressert à ses lecteurs jusqu’à écœurement : écrire sur du rien. C’est très réussi en ce qui concerne la télévision, mais pour se renouveler un peu, Toussaint change ici de ton… pour notre malheur !

En effet, ici, pas d’humour, beaucoup de descriptions impressionnistes de Tokyo by night, avec indications topographiques qui font couleur locale : Shimbashi, Ginza, Shinkansen, des développements philosophico-psychologico-littéraires où le gargarisme verbal n’a d’équivalent que la vanité du propos.

« Marie était là. Ce ne fut pas à proprement parler une hallucination, car la scène eut lieu en dehors de toute représentation visuelle, mais dans un registre purement mental, dans un éclair fugitif de la conscience, comme si j’appréhendais la scène d’un seul coup sans en développer aucune des composantes potentielles, de fulgurance du bras et de forme fuyante et tombant sur le sol, d’affreuses odeurs de fumées et de chairs brûlées, de cris et de bruit de fuite éperdue sur le parquet du musée, scène qui restait en quelque sorte prisonnière de la gangue d’indécidabilité des infinies possibilités de l’art et de la vie, mais qui, de simple éventualité – même si c’était la pire – pouvait devenir la réalité d’un instant à l’autre ».

Bref, bienvenue dans l’univers impitoyable de la littérature française contemporaine qui régale tant nos chers critiques en mal de délire intellectualiste.

Petit aperçu de ce qu’on peut lire en 4ème de couverture :

« Livre de la pleine maturité, faire l’amour dessine une scrupuleuse géométrie du vertige d’aimer. Et l’instant d’après de ne plus aimer. Géométrie infiniment précaire dans un monde menacé, physiquement, de tremblement ». (Patrick Kéchichian, Le Monde)

« Faire l’amour est un modèle de partition sismique et sensuelle : à la violence extrême d’une scène de couple succède un moment d’absolue sérénité métaphysique, baignade déjà anthologique dans une piscine, au sommet d’un hôtel comme égaré dans le ciel de Tokyo ». (Fabrice Gabriel : Les Inrockuptibles).

(Si t’as pas tout compris, c’est pas grave, c’est fait exprès… n’oublie cependant pas qu’abscond rime aussi avec con).

Ainsi, et pour être claire, je pourrais dire que cette œuvre montre l’emprise et la dictature de la modernité sur l’homme… il y a tant de bruits, de couleurs, d’agitation, de pressions, de superflu devenu nécessaire et envahissant, qu’on ne prend plus le temps de se parler, de s’aimer, et que nos vies et notre pensée finissent par se diluer dans l’effervescence du monde.

Je pourrais dire aussi que l’écriture de Toussaint est voluptueuse… elle se déploie en de longues phrases paresseuses et envoûtantes… Certes… alors, voilà, je l’ai dit.

Cependant, Faire l’amour rime ici avec faire caca : Toussaint chie peut-être des perles, mais on tire quand même la chasse d’eau sur le résultat.  



26/08/2009
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