LECTURES VAGABONDES

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John Connolly : Le baiser de Caïn / J’embrasse pas.

 

                Voici un roman qui aura fini par me prendre en traîtrise, comme Caïn a pris Abel ! En effet, après une mise en bouche plus que prometteuse, le baiser de Caïn, écrit par John Connolly en 2002 et paru en France en 2003 aux éditions des presses de la cité, s’est avéré finalement bien décevant.

                Charlie Parker, détective privé sévissant dans l’Etat du Maine, reçoit un coup de fil d’un avocat avec lequel il a travaillé quelques décennies plus tôt : Elliott Norton. Ce dernier sollicite son aide dans une affaire épineuse dont il se charge : en Caroline du Sud, la fille d’une des plus grandes fortunes de l’Etat, Marianne Larousse a été sauvagement assassinée et c’est Atys Jones, le petit-ami de la jeune fille qui est accusé du meurtre. Elliott est convaincu de l’innocence de son client que tout accuse pourtant. Bien pire, ce dernier est noir… et dans un Etat du Sud, ce seul fait suffit à faire d’Atys Jones le coupable idéal. Après quelques hésitations, Charlie Parker décide de prendre la route et prend l’affaire Jones en main… réussira-t-il à démêler cette sombre histoire ?

                Après un prologue plus que prometteur, haletant, qui croise une immonde affaire de lynchage qui date de 1964 et le règlement de comptes qui s’ensuit (Angel et Louis, des années plus tard, retrouvent et assassinent les responsables du lynchage d’Eroll Rich), nous faisons connaissance avec le héros du roman, le détective Charlie Parker, occupé à résoudre la disparition de Samantha Blythe (sans doute assassinée). C’est alors que survient l’affaire Jones. Bien évidemment, le lecteur se dit que toutes ces affaires vont se rejoindre… si elles finissent par le faire, c’est de manière bien confuse, pénible et tirée par les cheveux : une histoire de malédiction remontant à l’époque de l’esclavage et opposant les noirs de la famille Jones et les maîtres Larousse ; depuis ces temps révolus, les meurtres qui se perpétuent dans la régions opposent toujours les familles – très élargies – des Jones et des Larousse. Bof ! Raccord un peu facile et pas très plausible !

                Peu à peu, le lecteur est embarqué dans 3000 histoires de meurtres différents, avec des meurtriers différents et des détectives différents… et finit par patauger dans tout ça comme un malheureux touriste égaré dans le bayou. Effectivement, si l’intrigue principale reste bien l’affaire Jones, d’autres histoires, d’autres personnages se mêlent à celle-ci et l’embrouillent considérablement… et à la fin, on ne sait plus qui fait quoi, ni pourquoi ceci ni pourquoi cela. Ainsi, le baiser de Caïn confirme le bien-fondé de la théorie de « perspective d’ensemble » de Victor Hugo : on peut accepter l’existence d’intrigues secondaires au théâtre (mais ceci vaut, visiblement, également pour le roman) à condition que ces dernières soient étroitement reliées à l’intrigue principale et ce, pour des raisons de clarté et de compréhension. Or les intrigues secondaires, dans le baiser de Caïn, sont beaucoup trop loin de l’intrigue principale et le lecteur est littéralement noyé dans l’ensemble : il finit par se désintéresser de cette lecture en tout point fastidieuse.

                Quant à l’intrigue principale, l’affaire Jones, elle est alambiquée et finit par devenir grotesque. Atys Jones est soupçonné du meurtre de Marianne Larousse, meurtre qui aurait eu lieu près d’un marécage où vit une sorte de monstre à écailles qui aurait déjà fait d’autres victimes (j’ai oublié leurs noms) ! Et puis, Charlie Parker découvre que si son cher ami Elliott Norton a demandé son aide, c’est que dernièrement, ses amis d’enfance disparaissent un à un… et qu’ensemble, un jour, il y a très longtemps, ils ont violé et tué la mère d’Atys Jones, et immolé Mélia, sa tante. Voilà pourquoi Elliott craint pour sa vie, voilà pourquoi il lui faut à tout prix résoudre l’affaire Jones. Finalement, tout le monde meurt, sauf Charlie Parker qui découvre que le monstre du marais, c’est Mélia, la tante d’Atys, à demi-brulée qui squatte l’endroit : complètement folle et ivre de vengeance, elle tue tout ce qui s’égare dans le marais (les écailles n’en sont finalement pas ; ce sont des cloques, enfin, des lésions cutanées… simple illusion d’optique de la part d’un touriste et la légende fut !)

                Cerise sur le gâteau, John Connolly se fend de quelques propos ésotériques qui ne siéent absolument pas à l’esprit du polar traditionnel où le meurtre est motivé par un mobile bien cartésien. Ici, les vivants sont hantés par les morts qui crient vengeance et qui les attendent sur « la route blanche » (the white road, c’est d’ailleurs le titre original de l’œuvre). Voilà sans doute pourquoi tout le monde meurt, à la fin, du côté du bayou : « Non, mais Allo, quoi ! »

                Reste que le roman distille une atmosphère vénéneuse, lourde, violente : sans doute, un certain esprit du Sud de l’Amérique - hanté par le racisme, les histoires de lynchage, le Ku Klux Klan, les prédicateurs fous et les légendes qui vont avec tout ça - est palpable, dans le baiser de Caïn, mais c’est, selon moi, insuffisant pour mériter le détour et s’embarquer dans cette lecture confuse et finalement super gnangnan.

                Il est vrai que je n’affectionne pas beaucoup le genre policier - et particulièrement, le polar noir -  et ce, pour la simple raison que je suis tombée sur une multitude de navets tous plus ennuyeux et mal construits les uns que les autres. Un bon polar, c’est très difficile à trouver. Ce n’est pas John Connolly (à la réputation pourtant bien établie dans ce domaine du policier) qui me fera changer d’avis ! Vite, je m’essuie la figure ! Ce baiser baveux a enfin pris fin ! Beurk !



29/08/2014
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