LECTURES VAGABONDES

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Lauren Weisberger : Le diable s’habille en Prada : diablement ennuyeux… et Prada n’y change rien.


Il m'arrive assez rarement de préférer un film à un livre. L'exception confirme la règle en ce qui concerne ce best-seller écrit par Lauren Weisberger en 2003 : Le diable s'habille en Prada, dont David Frankel a tiré un film en 2006, film qui porte le même titre, film que j'ai trouvé assez divertissant.

En réalité, le début du roman est plutôt prenant : Andréa Sachs vient d'achever ses études et rêve de devenir journaliste au New Yorker. Cependant, il lui faut un peu d'expérience avant de tenter sa chance. Elle tombe sur une opportunité : la directrice de la revue de mode Runway, Miranda Priestly, recherche une nouvelle assistante personnelle. Andréa est engagée pour une année ; une année au cours de laquelle elle pourra rencontrer des personnages influents de monde de la presse et de la mode, une année au terme de laquelle elle est assurée d'avoir une belle promotion, une année pendant laquelle elle devra satisfaire tous les caprices et les exigences de la tyrannique Miranda Priestly : cavaler à travers des rue de Manhattan pour apporter à son altesse Miranda Priestly un café au lait de chez Stardust dans les 30 secondes, porter tous les jours son linge sale au pressing, se débrouiller pour faire livrer tout et n'importe qui à telle date, telle heure (et pas une seconde de plus ou de moins) aux quatre coins du monde. Sans compter le fait d'être disponible 24heures /24 et 7 jours /7 pour sa seigneuries Miranda Priestly qui ne manifeste envers son assistante jamais aucun signe de reconnaissance, mais toujours du mépris et des remarques acerbes.

Au bout de 50 pages à cette sauce, on se dit qu'on a bien compris tout ce que ce travail a d'humiliant et d'inhumain, et qu'il serait peut-être temps de passer à autre chose : on attend une quelconque évolution de la situation, évolution que le film propose ; l'angélique Andréa Sachs décide de jouer son va-tout et de se battre, toutes griffes dehors, pour gagner l'estime de sa patronne. Rien de tout cela dans le roman qui commence à patiner gravement, pour finir par l'enliser lamentablement dans des histoires de portables qui sonnent à tout bout de champ : au bout de la ligne : Miranda Priestly et ses « An-dré-ââ !!! » « je veux… j'exige… »

Il va sans dire que le film est nettement mieux réussi que le livre, tant au niveau de la complexité des personnages qu'au niveau de l'intérêt de l'intrigue qui diffère sensiblement du livre au film.

Là où le roman propose un héroïne taillable et corvéable à merci, qui endure son sort par ambition et qui peu à peu s'éloigne des gens qui lui sont chers, le film propose un regard plus incisif sur le monde impitoyablement superficiel et tyrannique de la mode : Andréa n'hésite pas à damner le pion à l'assistante sénior de Miranda, quitte son petit ami et prend pour amant l'écrivain Christian Renaud qui a de bonnes relations dans le monde de la presse… avant de retrouver, à la fin, des valeurs plus humaines. L'Andréa de Lauren Weisberger ne fera rien de tout ça : Emily, l'assistante sénior, reste assistante sénior et Christian Renaud (personnage décidément décrit à la manière des romans à l'eau de rose Harlequin qu'on s'enfile lorsqu'on a 13 ans) se permettra juste de voler un timide baiser à notre héroïne. Point de satire des relations professionnelles dans le milieu de la mode : le roman se borne à seriner les noms de couturiers qu'il faut acheter pour pouvoir travailler à Runway, et le nom des aliments light sans calorie qui sont autorisés afin de garder une ligne anorexique… ces deux points étant présentés comme des exigences de Miranda Priestly vis-à-vis de son personnel, et non comme des contraintes liées à la profession. Mais parlons-en de Miranda Priestly ! dans le livre, elle n'évolue guère ! Jusqu'au bout, la patronne de Runway conservera son aspect tyrannique et inhumain alors que le film offre un regard plus subtil sur ce personnage incarné par Meryl Streep : tyrannique, elle l'est avec ses employés, mais on découvre progressivement que c'est un rôle qu'elle se voit contrainte de jouer pour se faire respecter dans le milieu impitoyable duquel elle se verra impitoyablement évincée à la fin : Miranda Priestly prend donc peu à peu une dimension humaine de femme accablée et épuisée par la comédie quotidienne que représente sa vie.

Finalement, le diable s'habille en Prada ne fait pas figure d'exception si je considère qu'il fait partie de cette veine de romans best-seller écrits par des femmes à destination d'un public essentiellement féminin : il est bien rare que j'apprécie vraiment ce genre de littérature (voir le journal de Bridget Jones/l'âge de raison d'Helen Fielding)

Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles j'ai lu le diable s'habille en Prada n'ont fait que renforcer le désintérêt que j'ai ressenti en le parcourant : effectivement, ce roman creux, superficiel, et répétitif, sur le thème non moins creux et superficiel de la mode, je l'ai lu à la lampe de poche, alors que j'étais à 1000 lieues du bruit et de la fureur de la société,  seule sous une tente, dans un confort très spartiate et certainement pas habillée en Prada !



01/05/2009
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