LECTURES VAGABONDES

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Olivier Adam : Des vents contraires/ Une lecture qui a le vent en poupe !


                En littérature, le vent est l’objet de métaphores en tous genres : salvateur, il est celui qui permet l’oubli des peines et des souffrances, il est celui qui efface et permet de recommencer ; plus inquiétant, il est le tourment et les passions négatives – « la tempête sous un crâne » ou encore la colère. Pour Olivier Adam, de manière très simple, il symbolise tout ce qui dans la vie vient faire obstacle au bonheur : Des vents contraires, c’est le titre du roman qu’il a écrit en 2008 et qui est paru aux éditions de l’Olivier.

                Paul Anderen vit des moments difficiles : sa femme, Sarah a disparu sans laisser de traces, et le voilà seul avec ses deux enfants, Manon et Clément. Il décide de repartir de zéro et s’installe dans sa ville natale de Saint-Malo. Il laisse de côté son travail d’écrivain et devient moniteur d’auto-école dans la boîte à permis de conduire que tiennent son frère Alex et sa belle-sœur Nadine. Triste et abattu, Paul doit néanmoins faire face à la vie car ses deux enfants, sans le dire, sont très perturbés par l’absence de leur mère. Et puis, il y a toutes ces rencontres avec des gens en proie, eux aussi, aux tourments : Justine, maltraitée par son beau-père, « le grand » qui ne supporte pas de ne plus voir son fils et l’enlève pour quelques jours de bonheur, Elise qui termine sa vie à l’hôpital tandis que ses enfants sont si loin, pris dans les obligations d’une vie trépidante. Et puis un jour, on retrouve le corps de Sarah ; la jeune femme a été assassinée par un maniaque qui n’en est pas à son premier crime. Paul va enfin pourvoir faire son deuil tandis que les fêtes de Noël marquent le début d’une nouvelle sérénité familiale : Alex et Nadine vont avoir un enfant.

                Avec Des vents contraires, Olivier Adam signe un roman très mélancolique où les destins de plusieurs personnages se croisent, se mêlent et se font écho : tous vivent une souffrance plus ou moins secrète, plus ou moins tue et cette souffrance est toujours liée à l’absence d’un être cher. D’abord, il a le héros du livre : Paul Anderen et ses deux enfants : Clément et Manon. Leur mère, Sarah, a disparu et personne ne sait pourquoi : est-elle morte alors que sa dépouille reste introuvable ? S’est-elle enfuie avec un autre homme ? A-t-elle voulu recommencer sa vie à zéro ? Prendre un nouveau départ ? Cette incertitude ronge les trois membres de la famille Anderen : Paul est plus ou moins dépressif, mais malgré tout, il trouve l’énergie de s’occuper de ses enfants, très perturbés : Manon est sujette à des crises de nerf, Clément se terre souvent dans un mystérieux mutisme. Et puis, il y a le « grand », celui qui a déménagé Paul lorsqu’il est venu s’installer à Saint-Malo. Un jour, à la sortie des classes, il enlève son fils Thomas : divorcé, l’homme ne voit jamais l’enfant qui lui manque terriblement. Il vivra quelques jours de grand bonheur avant de rendre l’enfant à sa mère et de se livrer à la police. Et c’est là, au commissariat, que tout s’achève pour lui : il se défenestre. Isabelle, la voisine de Paul supporte mal la solitude et surtout l’absence de son fils Gaël qui travaille dans une autre région. Elle entame une liaison avec Paul, histoire de conjuguer un peu sa solitude à la sienne. Et puis, il y a tous les autres dont je vous épargne la liste.

Si tous les personnages vivent douloureusement l’absence d’un être cher et le sentiment d’abandon, ils peinent à se livrer : aucun épanchement… seuls quelques mots, quelques phrases pudiques qui résument la situation et laissent entrevoir l’ampleur du désespoir de l’âme.

En contrepoint du présent, Paul se souvient parfois du passé : il évoque des images de Sarah, images assez figées comme celles qu’on voit sur des photos, images d’un passé sans doute heureux mais qui déjà lui échappe. Plus le temps avance, plus Sarah paraît mystérieuse et insaisissable et puis, il y a Caroline, une fille dont Paul était secrètement amoureux et qui a mal tourné : drogue, vie à la rue. Ce fut la première blessure de Paul.

Ensuite, il y a la Bretagne, Saint-Malo, la nature sauvage. Paul cherche l’apaisement près de la mer, indifférente, mais aussi tellement semblable à la vie : de longues étendues de sable, une mer tourmentée, des rochers déchiquetés, une île, au loin. Selon l’heure du jour, les couleurs changent, fluctuent, un peu comme la vie avec ses instants de sérénité et ses moments plus cruels et bouleversés. De nombreuses pages sont consacrées à la description des paysages bretons, à leur beauté tourmentée où les personnages méditent, s’amusent, regardent l’horizon en songeant à demain, s’allongent sur le sable en souhaitant qu’une vague les emporte.

Cependant, à la fin du livre, vient l’apaisement : Sarah est morte, le deuil va pouvoir se faire et la vie, continuer avec un autre petit être à venir : Nadine a rompu avec son amant, elle est enceinte… et décide d’élever l’enfant avec son mari, Alex, également frère de Paul. C’est Noël, fête de la nativité, mais aussi dernière fête de l’année qui clôture ce beau roman sur une note d’espoir : demain sera différent, peut-être.

Si je vais bien, ne t’en fais pas a pu m’évoquer une ballade folk américaine de Bruce Springsteen, Des vents contraires me ramène en France, toujours dans le même registre : on lit ce roman un peu comme on écoute la très belle ballade de Johnny Hallyday : L’attente / « pourquoi ne reviendrais-tu pas ? Le ciel est plus clément / Pourquoi ne reviendrais-tu pas, puisque je t’attends… », avec une petite déchirure, là, tout au fond du cœur.



04/05/2013
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