LECTURES VAGABONDES

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Pascale Clark : Tout le monde fait l’amour / Tout le monde n’écrit pas comme Pascale Clark… encore heureux !


Si vous écoutez un peu la radio, si vous regardez un peu Canal +, vous connaissez sans doute Pascale Clark, journaliste que j'apprécie assez en tant que telle. Voilà pourquoi j'ai eu envie de lire un de ses romans… Mais ici, c'est l'écrivain que je juge… et le résultat est – c'est le moins qu'on puisse dire – peu probant !

Tout le monde fait l'amour – déjà le titre est en lui-même tout un poème ! – paru en 2001 aux éditions Albin Michel, raconte l'histoire de trois copines (on ne sait d'ailleurs pas trop l'âge qu'elles ont, ce qui est très gênant ! à vue de nez : la trentaine). L'une, Maud, fait l'amour : trop. L'autre, Gertrude, fait l'amour : mal. La dernière, l'héroïne (« je » ?), Clara, ne le fait pas.

Clara est vierge à l'heure où toutes les autres femmes ne le sont plus. Avec le prince charmant ou avec n'importe qui, quand il est l'heure de faire comme tout le monde, il est l'heure de faire comme tout le monde ! Alors on le fait – même si on n'en a pas envie, l'important étant d'être en phase avec les autres qui le font. Clara n'est pas vraiment différente des autres. Elle rêve du prince charmant, mais il prend son temps, le loustic (peut-être n'a-t-il pu trouver qu'un canasson comme moyen de transport ?). Alors, un jour, elle essaye avec n'importe qui – tant pis, le prince charmant n'aura pas sa virginité, fichtre ! – mais ça ne marche pas !!! Alors elle va voir un psychologue. Diagnostic : vaginisme. Son corps refuse la pénétration. Blocage psychologique, donc, mais blocage physique, également.  

Sujet difficile ! Extrêmement difficile ! Car pas très romanesque ! Même si je pense sincèrement qu'on peut aborder tous les sujets, même les plus tabous,  par le roman - l'important étant de bien le faire, avec les mots justes -  le sujet du « vaginisme » est vraiment un pari audacieux… Il faut quand même le reconnaître. Ce qui est sûr, c'est que Pascale Clark a perdu le pari sur toute la ligne… et même plus !

Ainsi, si on veut en savoir plus sur le vaginisme, mieux vaut lire un traité psycho-médical du type « que sais-je : le vaginisme » ou encore « le vaginisme pour les nuls ».

D'abord, on ne sait pas trop ce qu'a voulu faire Pascale Clark avec ce roman. Dénoncer les ravages que peut faire le mythe du Prince Charmant dans la tête des femmes ? Soit. Voyons ça ! Le vaginisme, maladie exotique, bizarre, inconnue de la plupart des femmes  elles-mêmes, comme arme d'attaque destinée à flinguer le Prince Charmant, maladie certes largement répandue chez les femmes ! Le Prince Charmant, c'est une véritable pandémie chez les femmes ! Quel salmigondis ! 100% des femmes ont rêvé de l'amour unique, prédestiné, de la moitié d'orange… jusqu'à environ 20 ans. Combien d'entre elles ont souffert de vaginisme ? J'attends vos témoignages sur ce blog… mais là, je crois que je vais attendre longtemps !

 Car le vaginisme me parait être une véritable maladie qui ne peut s'expliquer uniquement par le mythe du Prince Charmant. Il faut donc avoir le courage du témoignage, Pascale Clark. Est-ce un problème vécu ? Si j'en crois les divers remerciements discrets qui sont cependant imprimés sur la dernière page… Il s'agirait bien d'un blocage personnellement vécu ? Alors donc, c'est quoi, le fond du problème ? Le Prince Charmant ? Ou plutôt la peur… peur de son propre corps, peur de se lâcher, peur de l'inconnu que constitue le corps de l'homme ? Peurs bien répandues, également… mais de là à conduire à ce truc, le vaginisme !

Pascale Clark n'a donc pas eu le courage du témoignage : elle n'a pas su utiliser les mots de la peur, une peur pas banale, un peu plus forte, un peu plus traumatisante, que celle normalement répandue à l'heure du dépucelage : elle a eu peur des mots qui conviennent au sujet. Elle s'est cachée derrière le Prince Charmant…. Si banalement répandu chez toutes les filles…  car oui,  le mot « peur » est radié du roman… il laisse place à un sens de l'humour plus que convenu, un sens de l'humour en toc, il laisse place à la fausse autodérision.

Désolée, Pascale, mais ton roman sent l'imposture et le toc ! Tout ! Le ton, le style, l'écriture… Pourquoi l'avoir écrit si c'est pour ne rien dire ? Ou si peu ? A quoi rime ce roman aux propos si mal placés par rapport au véritable fond du problème ? Un livre inutile, donc… et faux ! Qui plus est !

Mais parlons un peu des autres femmes du roman. Les copines de Clara qui font l'amour comme tout le monde : c'est-à-dire trop ou mal. Pas d'autre cas de figure, Pascale ? Celles qui ne le font pas assez à leur goût ? Celles qui l'ont vraiment super bien fait une fois, deux fois… et un peu plus peut-être ? Celle-là l'a fait en vitesse, hier, dans une cage d'escalier ! Ouah ! La vilaine ! Celles qui le font une ou deux fois par semaine depuis 10 ans - devoir conjugal oblige... etc...

Bon ! Donc, revenons aux personnages de Pascale Clark. L'une : Gertrude, celle qui fait mal l'amour, attend un enfant d'un homosexuel dont elle est folle amoureuse et qui l'utilise comme alibi en société et comme organe reproducteur en privé. Pauvre petite femme sans défense ! victime de l'amour pour le vilain Prince Charmant homo ! L'autre, Maud, est belle et forte ! Elle collectionne les conquêtes masculines : une femme libre, donc ! Beh ! Un jour, elle s'effondre… et révèle à Clara qu'autrefois un garçon dont elle était amoureuse l'a humiliée dans sa chair. Eh bien ! En voilà du féminisme à la Balasko ! Je prends ma revanche sur les méchants mecs ! C'est encore pire ici, peut-être ! C'est quoi cette littérature pseudo-féministe qui « victimise » les femmes ?  Les femmes sont donc les victimes des méchants hommes ! Beh oui ! Allez ! Vogue la galère ! Elle avancera mieux ainsi !

Cependant, Pascale Clark décroche le pompon de la bêtise lorsqu'elle fait finalement se rencontrer le Prince Charmant – tant décrié, par ailleurs -  et Maud.

 Alors, Pascale, tu le flingues, ou tu le rencontres, le Prince Charmant ?

Comment peut-on encore écrire de telles sornettes à 40 ans ! Sans doute espère-t-on tous trouver l'amour, homme comme femme. Mais on ne sait pas combien il y en aura, on ne sait pas quand ça se présentera, et surtout… on sait bien qu'on rencontre toujours un homme ou une femme, et pas un prince ou une princesse.  Car tous nos princes charmants ronflent, pètent et vieillissent (tout comme la jolie princesse que tu es à leurs yeux). Certains regardent le rugby, le samedi après-midi, d'autres laissent trainer leurs chaussettes et leurs slips sales partout, d'autres préfèrent sortir avec leurs copains, le week-end. Mais quand même, on finit par apprendre à aimer un homme et on oublie le Prince Charmant qui n'est de toutes manières pas viable et beaucoup moins rigolo !

Finissons donc l'éreintage de ce roman par l'écriture. Beh ! Finalement ! Peut-être vais-je finir pas rehausser d'un cran Balasko ! Au moins, elle, elle écrit sans trop se poser de questions. Le résultat est nullissime, certes.

Pascale Clark écrit, elle aussi.

Elle a beaucoup lu. Elle a beaucoup observé les ficelles de l'écriture moderne. Et vas-y que je t'en rajoute une louche ! De la scène cut, exclusivement ! des phrases qui se veulent « je croque l'impression du moment » ! l'étude du rythme, du souffle, le travail des mots (du jeu de mot systématique, dirai-je même)... et j'en passe ! car toutes les techniques y passent ! Et tant qu'on y est… encore un petit peu de sel ? de poivre ? Tu veux de la rouille avec le far breton ?

Quand on lit Pascale Clark, on a un condensé de tous les procédés d'écriture moderne piqués chez les autres : Djian, Duras, Sarraute…

Cependant, la pire critique qu'on puisse faire à un écrivain, c'est peut-être ce compliment : «  Hou là là ! T'as bien bossé ! Ça se voit ! Tu t'es remué la tête ! Félicitations ! ». Et oui ! L'écriture de Pascale Clark pue le labeur, la transpiration qui s'égoutte au détour de chaque phrase, au moment du choix de chaque mot, la ficelle qu'il faut absolument utiliser ici, là, là-bas encore... pour faire "flash", pour faire "mode "! Et tant pis si ce qu'on raconte n'a aucun intérêt, la plupart du temps. Si sur un bouquin qui se lit en deux heures, on passe une heure à lire des scènes de corps qui se tortillent en pseudo-extase dans une boîte de nuit, des scènes de copines qui se roulent un joint sur un coin de couette tout en se racontant leurs conneries d'histoires à la guimauve… Tant pis si on est dans du Bridget Jones qui se veut intello… (et alors là, c'est le pire du pire !)

L'écriture est un moyen, un véhicule qui doit mener de manière frappante le lecteur au sens de l'œuvre… l'écriture doit le faire adhérer au sens de l'œuvre. Elle n'est donc certainement pas une fin. Or, pour Pascale Clark, l'écriture est une fin : « regarde comme j'écris bien ! » semble-t-elle nous dire au détour de chaque phrase !  

Je ne sais combien d'heures de travail sur les mots ce roman a coûté à Pascale Clark. Sans doute énormément. Mais elle écrit comme un singe, elle a l'art de la surcharge dans l'effet, elle noie le lecteur de propos qui s'enchevêtrent sans vraiment l'interpeler.

Une page au hasard, comme pour toutes les œuvres nullissimes de cette catégorie :

« Il est masseur. Il a massé Maud. Maud a aimé. Maud aime les jeux de mains. Mais Maud a voulu garder la main. Le masseur n'a pas aimé. Maud et lui sont restés bons amis.

Maintenant, Maud passe la main. Mais je n'aime pas les secondes mains. Je ne parierais pas mes mitaines sur l'issue de l'affaire. Je l'observe en biais. Le masseur a la main sur le cœur. Toujours galant, toujours prévenant. Ça m'énerve. »

J'arrête là le massacre. Quel travail pour accoucher de ce mauvais Devos ! Quel courage pour les lecteurs : se taper un bouquin entier de cet acabit !

Bref, pour résumer : une œuvre totalement fausse : de A à Z. Écriture surchargée : on cherche l'effet plus que le sens (et ce n'est même pas drôle !). Danger des idées véhiculées (femmes victimes des hommes). Sujet principal, le vaginisme, mal traité… pas traité.

En conclusion, quand on choisit un sujet putassier comme celui du vaginisme, on va jusqu'au bout. On l'assume. On le traite sans pudeur… (Ou alors, si on ne veut pas parler de soi, on écrit les 3 mousquetaires). On prend le risque de se retrouver dans les librairies aux côtés de la mauvaise vie de Frédéric Mitterrand…. Et d'autres témoignages trash : rayon homme on a : «impuissance, éjaculation précoce, et taille de la bite ». Rayon femmes on a : « viol, inceste, adultère, mal baisée ». Ainsi, le nouveau livre de Pascale Clark : comment j'ai vaincu le vaginisme, risque de faire pâle figure parmi tant de concurrence !



27/10/2009
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