LECTURES VAGABONDES

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Titiou Lecoq : La théorie de la tartine/Plutôt tarte.

                Vu tout ce que je m’apprête à balancer sur ce roman – La théorie de la tartine écrit par Titiou Lecoq en 2015 et paru aux éditions du Diable Vauvert -  je me demande pourquoi j’ai décidé de le classer quand même dans « on aime assez ». Sans doute parce que, même si j’ai eu entre les mains un mauvais roman, je l’ai lu sans déplaisir. 

 

                Nous sommes en 2006. Christophe tente de gagner sa vie avec un site d’information sur internet appelé Vox. Pour ce faire, il lui faut publier des articles accrocheurs. Depuis quelques temps, il commente les aventures des candidats de L’île de la tentation. Mais son collaborateur, Louis – qui tient aussi les cordons de la bourse – veut qu’il publie un article sur les sex-tape publiées sans le consentement d’un des deux partenaires et qui commencent à voir le jour sur you porn. Et il a sous les yeux un exemple tout frais. Il s’agit d’une certaine Marianne qui apparaît en plein ébat avec son ex-petit ami – Gauthier ; c’est d’ailleurs ce dernier qui a publié cette sex-tape pour se venger d’une tromperie de Marianne. Christophe prend donc contact par mail avec Marianne. La jeune femme est effondrée ; elle veut qu’on retire immédiatement la sex-tape du site pornographique où elle a été publiée. Christophe contacte donc une connaissance internet : Paul, un adolescent hacker. Le jeune homme s’ennuie dans la maison de vacances de ses parents et se passionne pour cette histoire qui le distrait. Il va donc harceler le site jusqu’au blocage et par la même occasion, ennuyer sévèrement Gauthier, l’ex petit-ami de Marianne responsable de la vidéo. Très vite, rien ne va plus. Christophe, qui a pris Marianne en amitié, refuse de publier l’article qui la citerait. Mais son collaborateur, Louis, ne l’entend pas de cette oreille, licencie Christophe et publie l’article. Quand Frédéric Lefèvre prend Marianne pour exemple des méfaits d’internet et de la nécessité de contrôler l’anonymat, la jeune fille est au 36ème dessous. De son côté, Paul quitte ses parents qui lui ont confisqué son ordinateur et se rend à Paris où il rencontre Christophe et Marianne. Les trois jeunes gens décident de lancer une grande usine à fric : PenisInc – il s’agit de vendre une méthode infaillible pour agrandir les pénis trop petits. Dix ans plus tard, nous retrouvons nos personnages. Christophe est devenu rédacteur en chef d’un site d’information qui a un certain succès : Infos. Il a désormais 2 enfants avec sa compagne, Claire. Paul, de son côté, s’occupe toujours de PénisInc et a une petite amie : Sophia. Marianne a eu une fille avec son meilleur ami Olivier, un homosexuel. Elle en a assez de vivre dans la clandestinité du site l’allongement du pénis de Paul. Mais c’est surtout Christophe qui galère. En effet, Médiapart vient de publier un article sur le référencement bidon des sites d’information. Voilà pourquoi les chiffres de la fréquentation d’Infos n’ont rien à voir avec la réalité. Quand son ancien collaborateur, Louis, débarque avec Paloma, chargée de l’observation de la fréquentation du site, rien ne va plus. Christophe se voit relégué au second plan car la jeune femme entend bien décider de l’éditorial qui fera le buzz. Et puis, niveau vie privée, la joie n’est pas au rendez-vous. Trop de boulot l’éloigne de Claire qui le trompe. Quand il apprend cette trahison, Christophe fait un burn-out. Il est temps de se détourner d’internet pour vivre autre chose. Paul a été trahi – sans doute par Sophia – et PénisInc est entre les mains de la justice. Marianne a mené une enquête sur la collecte et l’exploitation des données personnelles par le big data. C’est donc sur un constat amer que se termine ce roman : si nos trois personnages ont su lier leurs destins au moyen d’internet, cette chose – l’internet-  «c’est juste des codes informatiques qui ont failli changer le monde ».

 

             La théorie de la tartine est un roman plutôt agréable qui se lit facilement. Pourtant, il comporte de nombreux défauts et on ne peut finalement dire que ce soit une grande œuvre. D’abord, il y a cette écriture vulgaire destinée à coller au langage actuel fait de gros mots « chiottes », « putain », « chiant » autant de mots lourds et parfois graveleux employés à tour de bras, jusqu’à écœurement. Certes, en matière d’écriture, dans la littérature, il n’y a pas de normes, mais si on écrit un roman dans une langue relâchée, il faut tout autant la travailler afin de lui donner force et résonnance. Or, ici, on a l’impression d’être dans une salle de classe où quelques sous-développés intellectuels communiquent au moyen des 200 mots de vocabulaire qu’ils connaissent. 

               L’écriture de Titiou Lecoq est donc d’une pauvreté affolante !

                Certes, le roman se veut moderne : non pas parce qu’il révolutionne quoique ce soit dans ce genre littéraire, mais parce qu’il aborde un sujet qui n’existait pas ou presque pas il y a 20 ans : internet. Titiou Lecoq s’évertue à montrer à quel point les nouvelles technologies ont changé nos vies et notre rapport au monde. Cependant, elle incarne ces idées dans des personnages dénués de finesse et caricaturaux. Nous avons d’abord Christophe qui voit sa vie de couple sérieusement mise en danger à cause de ce travail qu’il a entrepris via internet. D’abord, alors qu’il rame pour lancer son site d’information via le net et qu’il tire le diable par la queue, c’est le second enfant que porte sa compagne Claire qui perturbe le couple : Christophe songe à l’avortement car il n’a pas les moyens d’entretenir une famille qui s’agrandit. Plus tard, alors que l’argent n’est plus un problème, c’est le travail en lui-même qui éloigne les deux personnages car Christophe doit rester connecté presque 24 heures sur 24 pour être toujours aux taquets de l’info. Marianne, quant à elle, se sent maintenue dans une vie artificielle et assez peu honnête : elle gagne sa vie grâce à l’affaire de PénisInc lancée par Paul. Par ailleurs, elle est adepte des sites de rencontres qui lui permettent de multiplier les amants d’un ou deux soirs. Mais finalement, elle voudrait changer de vie : vivre enfin dans la réalité. Pour finir, Paul le geek a développé une phobie de l’espace et est incapable d’aller au-delà d’un périmètre restreint. Il faut dire qu’il est tellement habitué à rester dans un canapé avec un ordinateur sur les genoux...

                Par ailleurs, on a souvent l’impression que Titiou Lecoq prend le roman comme prétexte pour présenter les différentes postures politiques face à internet. On trouve, dans la théorie de la tartine, quelques chapitres assez indigestes sur : les positions respectives de Frédéric Lefèvre (pour la surveillance du net) et de John P.Barlow (pour la totale liberté du net) en 2006. Puis, à travers le personnage de Marianne sont présentés les dangers liés à l’internet. Voir son image exposée, exploitée, sans consentement ; voir ses données personnelles exploitées, rassemblées, vendues à des fins commerciales ou autres. C’est le début du grand flicage, le monde de big brother n’est pas loin.

               Pour finir, on a aussi dans la théorie de la tartine, un ramassis d’idées politiquement correctes. Marianne a « fait un bébé toute seule », ou presque. Elle a bénéficié d’une PMA : le donateur et donc, le papa, est son meilleur ami homosexuel. Ce qui permet à Titiou Lecoq de faire l’apologie des nouvelles sortes de familles : « homoparentales », « mères célibataires », etc… L’ambivalence dont on entend parler est aussi abordée lorsqu’Olivier quitte son amant pour fréquenter… une femme ! Lui, l’irréductible homosexuel ! Bref. On en a un peu assez de ces débats dont on nous rebat les oreilles depuis la loi autorisant du mariage homosexuel.

             Finalement, ce roman offre peu d’intérêt : les histoires des personnages frôlent souvent la débilité ou l’inintérêt ; exemple : lorsque, par vengeance, on assaille Gauthier - le responsable de la mise en ligne de la sex-tape où figure Marianne – en le faisant passer pour un détenteur de « petit pénis » ou en lui livrant des pizzas toutes les 10 minutes. Lorsque j’ai lu ces pages, je me suis demandé si Titiou Lecoq ne prenait pas son lecteur pour un débile mental… à moins que ce soit elle…

             Et puis, pour terminer, cette question sans réponse : « pourquoi ce bouquin s’appelle-t-il « la théorie de la tartine » ?  Serait-ce un éloge de la petite restauration – tartine, café, jus d’oranges pressées – qu’on avale en lisant des trucs sur internet dès le matin ? Serait-ce un éloge de tous ces liens sur lesquels on clique en cascade et qui finissent par transformer l’écran d’ordinateur en tartine-multicouche ? En tout cas, ce titre n’invite pas vraiment le lecteur à se méfier des ordinateurs (but pourtant recherché par l’auteure), car tout le monde aime bien les tartines à la confiture. D’autant plus qu’après les tartines du petit-déjeuner, il y a la tarte du diner !

 



02/06/2017
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