LECTURES VAGABONDES

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Virginie Despentes : Baise-moi / un road-book trash !

  
         D'abord, il y a le titre qui accroche, claque et te prend par ton côté voyeur ; alors, tu t'arrêtes, tu sors le livre de son rayonnage... Editions Grasset. Ca fait intello, ça t'aide un peu à assumer la raison pour laquelle ce livre, écrit par une illustre inconnue, se trouve entre tes mains. Première page du livre.... tu n'es pas déçu : Nadine appuie sur "avance rapide" pour passer le générique et paf, une grosse blonde surgit sur l'écran, écartelée à souhait sur une roue... elle se fait besogner méticuleusement par un, puis deux mecs, par devant, par derrière... l'écriture est nerveuse, crue, résolument moderne, tout à fait plaisante. Alors, tu continues ta lecture.
    Au départ, deux itinéraires parallèles, mais pas si parallèles que ça. Nadine gagne sa vie en baisant à droite et à gauche, Manu fait dans le porno hard. Toutes deux habitent en banlieue parisienne : leur quotidien, c'est la violence, le shit, la biture et la baise. Et puis, un jour, Manu et sa copine, Klara, sont victimes d'un viol collectif... Klara y laissera la vie. Et puis, un jour, Nadine bute sa collocataire, Séverine, décidément trop agaçante.
    C'est là que tout bascule : les deux femmes vont se rencontrer en plein chaos : Manu vient de buter un type. Dans la rue, une voiture : Manu braque Nadine et c'est parti : chapître 1 ; l'histoire commence là. Les deux femmes vont parcourir la France dans une cavale infernale.
    Manu et Nadine sont devenues deux hors-la-loi bien décidées à s'éclater tout leur saoul avant d'en finir avec la vie. Sur leur route : sexe, biture et violence... C'est alors qu'un écho commence à se faire dans l'esprit du lecteur. Nadine et Manu, c'est Thelma et Louise version trash. Virginie Despentes a repris le road-movie décapant de Ridley Scott et s'est amusée à le transposer en forçant le trait. On comprend alors pourquoi Séverine et Klara meurent : toutes deux symbolisent les douces et sexy Thelma et Louise. Il faut qu'elles disparaissent pour que leurs alter-ego décadents puissent vivre.  Ainsi donc, la pimpante Thelma-Klara (Geena Davis) s'efface-t-elle devant la grosse Manu, la plus timbrée des deux, tandis que la raisonnable Louise-Séverine (Susan Sarandon) laisse place à Nadine, la plus sentimentale des deux (si c'est possible)... les grands espaces américains sont transposés en France, là où les routes sont petites, sinueuses et pluvieuses. Le ton est donné : c'est le road-book décadent et trash de deux poufiasses déjantées. Quand on a compris le procédé, le livre devient savoureux, on le lit autrement, on comprend et on accepte ses excès... car chaque page dissimule un clin d'oeil au film-culte de Ridley Scott. Ainsi, la folle cavale de Thelma et Louise à travers les paysages sensationnels de l'ouest américain ressemble-t-elle à une promenade d'étudiantes en goguette à côté de celle de nos deux héroïnes, beaucoup plus dévergondées : car Manu et Nadine tirent sur tout ce qui bouge, chassent le loup à grosse queue, se biturent à la bière, puis au whisky et s'empiffrent de chocolat, le tout sur fond de musique punk (on se souvient de la bande-originale très country de Thelma et Louise). On retrouvera aussi le camioneur obsédé métamorphosé en vieux libidineux soulevé dans un bar, le flic joué par Harvey Keitel, c'est l'architecte cultivé, le voyou interprété par Brad Pitt devient Tarek, l'arabe... 
    Bref, ce livre fut un vrai moment de plaisir... en partie, c'est vrai, parce que j'adore le film de Ridley Scott... Le retrouver ainsi transposé fut un pur régal. Sans doute Virginie Despentes décalque-t-elle d'un peu trop près son modèle... cette volonté sous-jacente de parodier coûte que coûte le film se fait sans doute sentir de manière trop insistante, mais ce n'était là que son premier roman. Par ailleurs, l'écriture est percutante et dynamique, gage d'un certain talent.
    Bien sûr, il est difficile d'être une femme jeune (Virginie Despentes est née en 1969) et d'écrire sur des thèmes aussi racoleurs que le sexe et la violence... Ainsi, ces vieux ringards de la critique n'ont-ils pas loupé le livre lorsqu'il est sorti... "Très mauvais ! De la littérature de gare !" Certes, ce n'est sans doute pas là le chef d'oeuvre du siècle, mais il me semble que ces messieurs de la critique n'ont pas bien compris que ce livre est avant tout un jeu de réécriture avec le film de Ridley Scott, une grosse blague bien provoc qui caricature la violence et les fantasmes masculins,  il me semble aussi que les mêmes choses écrites très sérieusement par un Brett Easton Ellis recevraient  tous les compliments du monde à l'unanimité...
 


04/01/2009
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