LECTURES VAGABONDES

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Yasmina Khadra : Ce que le jour doit à la nuit /Ce que la lecture doit à l’ennui (parfois) (ou vice-versa).



                Sans doute, le film d’Alexandre Arcady tiré de ce roman de Yasmina Khadra intitulé Ce que le jour doit à la nuit paru en 2008 aux éditions Julliard, est-il un peu faible. Cependant, la lumière, les paysages du nord du Maghreb et une nostalgie palpable d’une époque révolue m’ont attirée ; c’est pourquoi, je me suis plongée dans le roman de Yasmina Khadra avec une attente : découvrir ce que le film doit au roman.

                Nous sommes en Algérie, dans les années 30. La famille de Younès est ruinée : ses terres ont été ravagées par le feu. Départ pour la ville d’Oran où le père pense gagner de quoi nourrir sa tribu. Hélas ! La vie est dure et Younès est très vite confié à son oncle, pharmacien ; désormais, il s’appellera Jonas. Arabe, il grandit parmi les Français, dans le confort, tandis que sa famille part à la dérive dans le quartier pauvre d’Oran. Après avoir essuyé des brimades racistes, il réussit à s’intégrer et à se faire des amis. Adolescent, il connait sa première expérience amoureuse auprès de madame Cazenave qui l’évince très vite. Un jour, lors d’une fête, il rencontre Emilie, sa fille, et en tombe amoureux. Mais madame Cazanave s’oppose à toute relation entre les jeunes gens : jalousie ? Remords ? En tout cas, Emilie sort avec les amis de Jonas, successivement Fabrice puis Jean-Christophe. Ce dernier, jaloux et dépité (il apprend qu’Emilie aime, en réalité, Jonas) se brouille à mort avec notre héros et part faire la guerre en Indochine avant de revenir en Algérie où il épousera sa première petite amie : Isabelle. Toujours amoureux d’Emilie, Jonas apprend que cette dernière épouse un autre de ses amis : Simon. Bientôt, c’est la guerre et Jonas se trouve pris entre deux feux : il se voit contraint de venir en aide aux fellagas. Après la mort de Simon et le départ de madame Cazenave, Jonas tente plusieurs fois sa chance auprès d’Emilie qui le repousse. Lorsque l’Algérie devient indépendante, la jeune femme part pour la France. Des années plus tard, alors qu’Emilie vient de mourir, Jonas rend visite, en France, à tous ses anciens amis ; mais depuis toujours, sa vie se passe en Algérie où il a fondé une famille avec une femme dont on ne connait pas le nom.

                Ce que le jour doit à la nuit est un roman décevant car trop ambitieux. En effet, l’œuvre joue sur trop de plans que l’auteur n’a pas su fusionner et positionner les uns par rapport aux autres. Ainsi a-t-on l’impression d’avoir entre les mains des pans d’histoires décousues. Ainsi ne saisit-on pas bien si le roman est l’histoire d’une vie, l’histoire d’un pays, l’histoire de différentes communautés qui cohabitent bien ou mal dans un pays, l’histoire d’un pays déchiré par les guerres, ou encore une histoire d’amour. En réalité, le roman est composé de tous ces ingrédients mais ceux-ci ne sont pas mixés entre eux ; ainsi, tantôt au premier plan, on trouve l’histoire d’amour, tantôt, l’histoire de la guerre d’Algérie, etc… les uns affaiblissant les autres si bien qu’on n’est satisfait d’aucun aspect de l’œuvre et qu’on ne peut s’empêcher de ressentir sa faiblesse.

                Par ailleurs, le personnage principal n’a aucun intérêt car il ne s’engage dans rien et reste en retrait de tout : de l’Histoire, de l’amour, de la vie. En effet, Jonas n’a aucune conviction et lorsque débute la seconde guerre mondiale, il assiste à quelques bombardements ; puis, lorsque débute la guerre d’indépendance de l’Algérie, il vit du côté français tout en étant arabe ; sa pharmacie est prise en otage et il aide, en ce sens, quelques fellaghas qu’il connaissait déjà, mais c’est tout ce qui nous sera donné à voir de cette guerre. Concernant l’amour, on a droit à plusieurs pages répétitives au cours desquelles on nous informe du fait que Jonas est déprimé, dégoutté de la vie. Il ne se passe jamais rien dans la vie de ce personnage falot qui passe à côté de l’existence.

                Par ailleurs, la lectrice que je suis n’a absolument pas adhéré à cette histoire d’amour impossible et « inoubliable ». D’abord, renoncer à l’amour de sa vie parce que, plusieurs années auparavant, on a couché avec la mère… je trouve que l’obstacle qui entrave l’amour est faible et peu crédible… et puisque lorsque Jonas tente de nouer une histoire avec Emilie, celle-ci le repousse sans ambages, on se demande bien pourquoi, pendant des dizaines et des dizaines d’année, alors que le temps aurait dû faire son œuvre, notre héros reste quand même amoureux de sa dulcinée ! Et puis, dès le début, Yasmina Khadra, déjà en mal d’inspiration, ne trouve d’autre intrigue que de faire passer Emilie dans le lit de tous les copains de Jonas, afin de le mettre sur des charbons ardent.

                Par ailleurs, on a droit à aussi à quelques scène parachutées : lorsque Jonas soigne un fellagha, il finit par le reconnaitre : l’homme n’est autre que son ami d’enfance des bas-quartiers d’Oran.

                Ce que le jour doit à la nuit est donc un roman qui se veut mesuré, évaluant ce que les français doivent aux algériens, et ce que les algériens doivent aux français. Il y a certes, un parti-pris pour l’Algérie indépendante, mais sans excès et avec critique. Cependant que l’auteur fait preuve de compréhension vis-à-vis de la communauté française implantée en Algérie qui perd, avec la guerre,  racines, son pays, la terre qu’elle a mise en valeur. Ce roman aurait pu être très prenant, et très beau ! Hélas ! Il n’est malheureusement animé d’aucun souffle !



14/04/2015
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