LECTURES VAGABONDES

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Colleen McCullough : Les quatre filles du révérend Latimer/ le dernier bébé de Colleen McCullough.

     

      Le saviez-vous ? L'écrivaine Colleen McCullough, auteure de la célèbre saga Les oiseaux se cachent pour mourir, est décédée en 2015. Mais avant de disparaître, elle nous a gratifiés d'un ultime roman très savoureux : Les quatre filles du révérend Latimer paraît en 2015 aux éditions L'Archipel.

 

             Nous sommes en Australie, en Nouvelle-Galle du Sud, à la fin des années trente, à Corunda. Les quatre filles du révérend Latimer, Edda, Grace, Heather (dite Tuft) et Kitty, entrent à l'hôpital pour y suivre une formation d'infirmière. Seule Grace n'aime pas ce métier. Lorsqu'elle rencontre Bear Olsen, c'est le coup de foudre et très vite, le mariage. De cette union naîtront deux fils : Brian et John. Cependant, la crise de 1929 met un terme aux habitudes dépensières de Grace... et au beau mariage d'amour. En effet, Bear, au chômage depuis quelques temps, se suicide. Dès lors, Grace doit se débrouiller seule, car elle a refusé l'aide de Jack Thurlow. Grâce au soutien de son beau-frère, Charles Burdum, elle pourra quitter Corunda et s'installer à Sydney. Parlons maintenant d'Heather, dite Tuft, le personnage le moins fouillé. Amoureuse du docteur Liam Finucan, elle n'entretiendra avec ce beau divorcé qu'une liaison platonique qui lui convient. Grâce à son beau-frère Charles Burdum, elle deviendra directrice de l'hôpital de Corunda. Edda, quant à elle, est la forte tête des quatre filles du révérend Latimer. Elle voudrait devenir médecin mais elle est une femme et cette carrière n'est donc pas pour elle.  Depuis quelques années, elle entretient une liaison avec Jack Thurlow, héritier de Tom Burdum, à la tête d'un grand domaine d'élevage de chevaux et d'agneaux. Cependant, alors qu'un jour, elle se rend à Melbourne au diner des orateurs, avec son beau-frère, Charles Burdum, elle fait la connaissance de Rawson Schiller qui lui propose de financer des études de médecine ; en échange, il lui propose de l'épouser : en effet, il est homosexuel et dans le monde politique où il a des ambitions, il est nécessaire d'être marié. Voilà Edda comblée : elle deviendra sous peu médecin et femme en vue dans la société australienne. Pour finir, faisons connaissance avec Kitty, la plus belle des quatre filles du révérend Latimer – même si elles le sont toutes. Lorsque l'héritier principal du richissime Tom Burdum débarque à Corunda, c'est pour y prendre la direction de l'hôpital. C'est dans le train qu'il rencontre Kitty. Petit à petit, la jeune femme se laisse séduire et répond favorablement à sa demande en mariage. Malheureusement, alors que Kitty adore les enfants, - elle travaille dans le secteur pédiatrique de l'hôpital – elle fait deux fausses couches successives. Bientôt, le mariage qu'elle a contracté avec Charles Burdum bat de l'aile. En effet, le médecin et directeur de l'hôpital décide de se lancer dans la politique, ce qui ne passionne pas Kitty. Par ailleurs, il est très possessif, ce que ne supporte pas son épouse. Bientôt, il laisse la direction de l'hôpital à Tuft et engage une conseillère - Dorcas Chandler - qui ne tarde pas à tomber amoureuse de lui. Cependant, Charles reste attaché à son épouse qui cherche à le jeter dans les bras de Dorcas. De son côté, Kitty s'est rapprochée de Jack Thurlow et décide d'aller vivre sur sa grande propriété.

 

             Avec Les quatre filles du révérend Latimer, Colleen McCullough signe, comme à son habitude, une grande saga telle qu'on les aime. Il faut dire qu'elle maitrise à la perfection le dosage entre la narration, la description et les dialogues. Il faut dire aussi qu'elle maitrise à la perfection, également, l'équilibre entre tous les ingrédients du genre : des héroïnes fortes et belles qui luttent pour leur indépendance et des héros aux brillantes qualités dont la principale est souvent l'ambition.

             Par ailleurs, le fond historique est assez soigné ; on plonge en plein dans la crise des années 30 et cette période est plus qu'une simple toile de fond : elle est clairement abordée. La lutte entre les conservateurs et les travaillistes, leur méthode de relance de l'économie y sont assez détaillées. Le conservateur Rawson Schiller est partisan d'une politique d’austérité, tandis que Charles Burdum est un travailliste qui cherche à maintenir l'emploi via des grands travaux, notamment dans l'hôpital qu'il dirige.

             Mais le fond historique, c'est aussi l'histoire des femmes et de leur émancipation. Dans les années 30, il leur faut faire un beau mariage qui permet d'afficher un certain standing. Nos héroïnes hésitent entre une union favorable à leur destin et obéir à leurs sentiments. Les quatre filles du révérend Latimer répondent différemment à ces exigences. Edda a eu des relations charnelles avant le mariage mais elle finit par épouser un homosexuel par convenance ; cette cérébrale fait passez l'ambition professionnelle avant tout : elle veut être médecin et le mariage qu'elle contracte avec Rawson Schiller lui ouvre les portes de la médecine. Grace, de son côté, devient assez vite veuve ; elle qui fut au départ étourdie et écervelée devient une femme forte et indépendante lorsqu'elle est confrontée au veuvage avec deux enfants à charge Elle élève ses enfants et s'investit dans le quartier qu'elle habite : les Trelawnays. Tuft, quant à elle, est indépendante et l'amour qu'elle éprouve pour le docteur Finucan reste platonique. Enfin, Kitty finit par divorcer d'avec Charles Burndum car elle ne supporte pas de devoir se soumettre à ce mari qu'elle finit par ne plus aimer. C'est dans l'amour qu'elle veut s'épanouir et cet amour, elle le rencontre avec Jack Thurlow. Enfin, Colleen McCullough termine son roman par un clin d'oeil à son plus grand succès : Les oiseaux se cachent pour mourir puisque Kitty devient par cette union, directrice d'une grande exploitation dédiée à l'élevage (comme peut l’être Drogheda dans la grande saga citée ci-dessus).

             Pourtant, avec cette ultime saga, Colleen McCullough risque de s'attirer les foudres des féministes car elle insiste beaucoup sur la beauté de ses héroïnes, surtout sur celle de Kitty. Toutes sont charmantes et embellissent au fil du temps. Par ailleurs, elles sont élégantes et l'auteur insiste sur leurs tenues et parfois, sur le fait que certaines coupent et cousent elles-mêmes leurs robes. Bien évidemment, toutes sont aussi extrêmement intelligentes. Bref, on a affaire à des femmes parfaites de l'extérieur comme de l'intérieur. Pour couronner les tout, elles rêvent d'amour même si, à la fin, elles ont gagné leur indépendance face aux hommes. Toutes terminent soit avec l'élu de leur cœur, soit avec celui qui convient à leurs ambitions.

             On déplore peut-être, et ce sera là le seul défaut de ce roman, à mes yeux, le fait que certaines intrigues sont un peu négligées ou se terminent en cul-de-sac.  Par exemple, Tuft et son amour platonique sont les parents pauvres de l'œuvre ; par exemple encore, Maude, la seconde épouse du révérend Latimer et son effet négatif sur les filles : elle adule et étouffe sa fille Kitty qui développe certaines fragilités psychologiques, de ce fait ; elle jure aussi de pourrir la vie de ses sœurs et particulièrement celle d'Edda. Avec son époux, elle se montre imbuvable. Mais finalement, Colleen McCullough l'évince assez rapidement et la fourre dans un asile d'aliénés puisqu'elle perd la boule.

             Enfin, Les quatre filles du révérend Latimer se termine sur une fin ouverte. Sans doute, Charles, qui aime encore Kitty, finira par lui accorder le divorce mais quid de la liaison de celle-ci avec Jack ? Aura-t-elle des enfants, elle qui peine à en avoir avec son époux ? Et Edda ? Supportera-t-elle de vivre sans relation physique ? Son mariage avec un homosexuel tiendra-t-il ? L'amour entre Tuft et le docteur Finucan restera-t-il platonique ? Que sera la vie de Grace à Sydney ? Si le roman se termine, les filles du docteur Latimer entament toutes une nouvelle étape de leur vie. Il aurait pu y avoir une suite... mais en ce qui concerne Colleen McCullough, je crains bien que le destin se soit refermé sur elle à tout jamais.



06/08/2023
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