LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

Eric Holder : l'homme de chevet / on achève bien les lecteurs.

     

           Enfin, quand je dis "on achève bien les lecteurs"... rectifions : la lectrice que je suis. Je m'en voudrais beaucoup de contrarier une seconde fois Oseille qui m'avait reproché quelques confusions dans mes velléités de critique littéraire (article sur la correspondante d'Eric Holder). Si Eric Holder se trouve à nouveau parmi mes articles, ce n'est nullement pour rectifier quoique ce soit à son égard, car il est vrai qu'après avoir été porté aux nues, cet écrivain s'est retrouvé dans les bas-fonds de ce blog : étrange destin que celui d'Eric Holder sur mon petit site à moi. En ce qui concerne cette nouvelle tentative avec notre écrivain, elle existe seulement parce que j'ai entendu parler du film l'homme de chevet, (que je n'ai pas vu) sorti en 2009 avec Christophe Lambert et Sophie Marceau, film librement inspiré du roman du même titre, écrit par Eric Holder en 1995 et paru aux éditions Flammarion. c'est aussi parce que le thème du livre - l'amour, le handicap - je le trouve personnellement très beau et très émouvant. 

Muriel est tétraplégique. Auprès d'elle, besoin est de deux gardes-malade. Il y a la fidèle et indélogeable Marie, et tous ceux qui défilent un par un au chevet de Muriel, le temps de se rendre compte que cette dernière est totalement aigrie et acariâtre. Il faut dire qu'avoir trente ans et ne plus pouvoir bouger, ça a de quoi ruiner la tête de bien des durs à cuire ! C'est alors qu'un homme également meurtri par la vie postule à la fonction d'homme de chevet. Ledit homme – notre héros – est amnésique. Il s'attache à Muriel. Cependant, il passe devant une salle d'entrainement pour boxeur, il y entre ; c'est sûr : il est un ancien boxeur, il le sent. Il entraîne avec succès Karim. La boxe l'attend. Quittera-t-il Muriel ? Tout se jouera lors d'un voyage dans le Sud qui apparaît comme un cadeau d'adieu de notre homme de chevet à Muriel.

L'homme de chevet est un roman très court, et pourtant ! Quel ennui ! Oh douleur de l'ennui, quand tu nous tiens…. Et de compter les pages qui restent à lire, et de faire des pauses toutes les trente secondes, et de recompter les pages qui restent à lire…. Et puis, ouf ! C'est fini ! Reste un article à taper…

Je tiens d'abord à souligner la beauté du thème de ce livre : le lien qui peut se créer avec un handicapé physique total : on songe au très beau film, le scaphandre et le papillon de Jean-Dominique Bauby.  Ici, on est bien loin du chef-d'œuvre ! Tout est galvaudé, ruiné, gâché par le manque d'intérêt d'Eric Holder pour son sujet. Les personnages sont croqués de manière superficielle, ils n'existent pas : Muriel est acariâtre ? Alors on balance une scène où elle se comporte comme une mécontente de première… Voilà, cela suffit à Eric Holder pour donner toute son épaisseur au désespoir de la tétraplégique. La progression des sentiments entre les deux héros ? Il n'y en a guère, ici : l'homme de chevet se contente de percuter (de presser la vessie) Muriel pour la faire pisser : signe qu'il partage avec elle une intimité rare, spéciale, une intimité qu'on ne peut avoir qu'avec les grands malades totalement dépendants des autres. Il la porte dans le jardin, dans la voiture… Tout ça est d'une superficialité sans nom… superficialité aggravée par la légèreté de l'œuvre ! Il n'y a rien à manger, là-dedans ! Désolée, mais un sujet d'une telle densité ne peut se déployer et donner une impression d'épaisseur, lorsque seulement soixante pages y sont consacrées. Soixante pages ! Eh oui ! Qui dit mieux ? Car la moitié du livre est consacrée à la boxe, à la narration en détails de matches qui m'ont insupportée… Et qui n'intéresseront pas plus les amateurs modérés de boxe, car c'est un sport visuel, et lorsqu'on raconte platement la droite, puis l'uppercut de Karim sur McCoyet et qu'il faut s'imaginer toute la chose… On finit par surtout être saoulé ! Eric Holder ferait mieux d'écrire dans la presse sportive, il serait alors davantage en adéquation avec un public ciblé. Finalement, l'homme de chevet s'avère être surtout un livre idéal pour les super-fans de boxe : ceux qui vont voir les matches sur place, qui les regardent à la télévision, qui lisent la presse, qui écoutent la radio sur le sujet… et pourquoi pas, qui liront un roman fictif sur un « petit » qui monte et qui va faire mal !

Quelques mots quand même sur le héros, l'homme de chevet… Il ressemble un peu au héros de la correspondante (et sans doute, un peu à Eric Holder lui-même) : alcoolique, et doué d'un super-égoïsme qu'Eric Holder semble confondre avec super-sensibilité : car bien sûr, choisir la boxe, c'est mieux que choisir celle qu'il faut faire pisser dans sa chaise roulante… alors, même s'il l'aime un peu quand même… la fin laisse présager une séparation. Mais, le prochain homme de chevet, c'est notre héros qui le choisira sur-mesure pour sa bien-aimée tétraplégique ! Il s'y engage ! Allez ! On finirait par pleurer si seulement le prétexte de la séparation n'était pas aussi fluet et égoïste : pourquoi la boxe ne serait-elle pas compatible avec la relation amoureuse ? Bref, notre homme de chevet se trouve confronté à un dilemme qui n'en est pas un ; il choisit, pourtant : la boxe.

Reste à évoquer tous les poncifs et les stéréotypes qui sont légion dans l'homme de chevet. D'abord, les deux héros sont des êtres déglingués par la vie : ils se complètent. Là où elle est handicapée physique, il est handicapé psychique, car il ne dispose pas de toute sa mémoire. Ces deux loustics sauront-ils s'allier pour une rédemption ? Je ne sais pas si pour Muriel, le fait d'aller dans le Sud, à la mer soit une rédemption ! Sans doute, la rédemption existe-t-elle davantage pour l'homme de chevet qui retrouve sa voie dans la boxe : mais ce n'est guère Muriel qui a initié cette démarche.

A la fin, on a le coup du voyage à la mer, avec le bain sur la plage déserte, à poil tous les deux. C'est une sorte d'ersatz au fait de faire l'amour avant de se dire adieu… Elle ne l'avait jamais vu nu, les  hommes, il y a longtemps qu'ils n'existent plus pour elle ; alors, un mec à poil qui te prend dans ses bras et entre dans l'eau en te tenant serrée contre lui ! Et c'est sur cette apothéose douloureuse et heureuse (ils ont un petit peu fait l'amour / ils vont sans doute se quitter) que s'achève l'homme de chevet ! Ouf !  Merci bien !

Je ne peux terminer la critique de ce livre sur cette note sardonique. Le sujet est beau, il mérite mieux ! Alors, qu'Eric Holder prenne sa plume sérieusement et arrête de la tremper sans arrêt dans le whisky… Ce livre mérite d'être réécrit… sans aucun doute.




18/05/2012
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