LECTURES VAGABONDES

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Laurent Seksik : Un fils obéissant/ Hommage à un bon père

           

    « Le roman d’un amour sans fin » est-il stipulé sur la couverture du roman que Laurent Seksik a fait paraître en 2018 aux éditions Flammarion et qui s’intitule Un fils obéissant. Mais ne nous trompons pas ! Il ne s’agit pas ici de l’amour d’un homme pour une femme, mais bien de l’amour d’un fils pour son père.

 

                Le livre se présente sous la forme de 3 chapitres dont les titres alternent et reviennent plusieurs fois dans le roman : nous ouvrons donc le livre sur « Nos retrouvailles » ; vient ensuite « Le livre de mon père », puis « Le temps des adieux ». A noter : le livre se referme sur « Nos retrouvailles ». Justement, dans « Nos retrouvailles », Laurent Seksik se situe une année après le décès de son père. Il se rend au cimetière où il est enterré pour y tenir un discours d’hommage qu’il n’a pas préparé. En route pour Tel Aviv, il rencontre, dans l’avion, une femme à laquelle il confie quelques bribes de son existence et de celle de son père. Idem avec le chauffeur de taxi qui l’emmène à l’aéroport. Dans « Le temps des adieux », Laurent Seksik raconte la fin de vie de ce père qui a toujours cru en lui, en son avenir d’écrivain ; lui qui, pour plaire plutôt à sa mère, s’est engagé dans une carrière de médecin. Enfin, dans « Le livre de mon père », l’auteur raconte l’histoire du grand-père puis du père de son père ; autrement dit, l’histoire de son arrière-grand-père et de son grand-père. Une histoire à la fois ordinaire et extraordinaire puisque Jacob, au début du XXème siècle, détiendrait la recette d’une boisson qui pourrait détrôner le Coca-Cola : La jacobine. A sa mort, Victor, son fils, recueille la précieuse recette, mais n’ira pas tout de suite conquérir l’Amérique puisque la guerre 14-18 éclate et qu’il se retrouvera dans les tranchées. Là, il rencontre Alfred dont il devient l’ami. Après la guerre, ils épousent deux sœurs : Rivka et Rachel. Les voilà donc unis par des liens familiaux. Après la mort d’Alfred, Victor recueille et élève ses fils dont fait partie Lucien (il s’agit du grand-père de Laurent Seksik). Celui-ci ira en Amérique pour y développer la recette de la Jacobine destinée à concurrencer le Coca-Cola. L’histoire ne va pas plus loin, car le père de Laurent Seksik n’a pas pu l’achever ; la mort l’en a empêché.

 

                Avec Un fils obéissant, Laurent Seksik signe un roman totalement autobiographique, aux accents sincères et bouleversants. Il y raconte une histoire simple et élémentaire, l’histoire de ses relations avec son père et celle de son rapport à lui. Bien évidemment, le roman propose un portrait de cet être qui finit par paraître exceptionnel : pourtant, il ne fut qu’un père comme tant d’autres, un père aimant et attentif à l’avenir de son fils. Ce qui fait également la force de ces pages, c’est qu’elles abordent largement l’histoire de la fin de vie de ce père, du désarroi de son fils pendant ces quelques jours d’hospitalisation au terme desquels il y a la mort. Et puis, Laurent Seksik s’adresse à ce père qu’il a aimé, aime et aimera toujours à travers un tutoiement qui nous le rend si proche ! Quelle émotion !

                En filigrane, Laurent Seksik dresse aussi le portrait de ce qu’il fut en tant que fils, mais aussi en tant qu’écrivain. Dans Un fils obéissant, il raconte ses débuts dans la vie. Étudiant en médecine pour plaire à sa mère, il rêve d’être écrivain et son père le soutient dans cette aspiration. Il l’envoie même voir un certain Jacques Derrida, une de ses relations bien en vue dans les milieux littéraires. Et comment donc ! De son côté, Laurent cherche à croiser Le Clézio qui lui mettra un peu le pied à l’étrier. Et puis, notre auteur évoque aussi sa passion pour Stefan Zweig et pour Romain Gary et, à travers eux, sa vision du roman.

                Enfin, Laurent Seksik est aussi un homme hanté par les histoires qui relient les pères et les fils. En effet, il a déjà écrit sur le sujet au moins deux ouvrages : l’un sur le père de Romain Gary, l’autre sur le fils d’Einstein. Certes, ces relations furent plutôt traumatisantes tandis que celles qui unissent les Seksik père et fils sont pétries d’amour. En  italique, dans les chapitres intitulés « Le livre de mon père », Laurent Seksik raconte aussi une partie de l’histoire de son père et de son grand-père, histoires qui se transmettent oralement et qu’enfin, il peut coucher sur le papier. C’est donc l’histoire de toute une filiation que Laurent Seksik raconte dans Un fils obéissant.

            Le titre du roman – Un fils obéissant – aurait pu paraître ironique ou critique mais pas du tout. Il faut le prendre au premier degré car Laurent Seksik fut vraiment un fils obéissant. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment cette dimension-là de la relation qu’il entretient avec son père qui est mise en valeur. Quoiqu’il en soit, on obéit à Laurent Seksik et on accepte ce titre qui, à mon sens, dessert le contenu du roman mais que l’auteur a, cependant, retenu pour résumer la relation qui l’unit à son père.           

 

 



04/03/2024
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